L’impasse électorale, la nouvelle plaie de l’économie libérienne

Le Liberia n’avait vraiment pas besoin de ça. Après les ravages de l’épidémie d’Ebola et la chute des cours des matières premières, l’économie de ce pays, l’un des plus pauvres du monde, subit le contrecoup de l’imbroglio juridico-électoral.

Des Libériens attendent devant un bureau de vote à Monrovia, la capitale, le 10 octobre 2017. © Abbas Dulleh/AP/SIPA

Des Libériens attendent devant un bureau de vote à Monrovia, la capitale, le 10 octobre 2017. © Abbas Dulleh/AP/SIPA

Publié le 3 décembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Les commerçants de Monrovia, la capitale, qui voient leur clientèle les fuir dans l’attente de jours meilleurs, espèrent que la décision attendue la semaine prochaine de la Cour suprême leur apportera un peu de soulagement.

La haute juridiction doit statuer sur les recours de candidats arrivés derrière le sénateur et ex-star du foot George Weah au premier tour de l’élection présidentielle le 10 octobre, qui réclament l’annulation des résultats.

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Le second tour, prévu le 7 novembre entre George Weah et le vice-président Joseph Boakai, a été reporté sine die par la Cour suprême qui avait enjoint la Commission électorale d’examiner d’abord le recours du candidat arrivé troisième, avec 9,6% des voix, Charles Brumskine, auquel s’est joint M. Boakai.

« Tout stagne à présent », soupire Christopher Pewee, 32 ans, un vendeur de tongs de toutes les couleurs du marché « Red Light » de Paynesville, le plus grand du pays. « L’élection est suspendue, les affaires aussi sont suspendues, nous ne savons pas ce qu’il se passe dans ce pays ».

« Personne n’achète, les gens gardent leur argent », regrette une autre commerçante, Ruth Wollie, 45 ans. « Arriver à vendre pour 1.000 dollars libériens (environ 6,7 euros) par jour est devenu très difficile pour nous ».

Facteur aggravant, la dépréciation du dollar libérien par rapport au dollar américain, devise légalement utilisée dans toutes les transactions à côté de la monnaie nationale, et dans laquelle se négocient les importations, alors que le pays achète à l’étranger l’essentiel de ses produits alimentaires.

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Ces dernières semaines, le taux est passé de 110 à 130 dollars libériens pour un dollar américain.

‘Ils nous font souffrir’

Beatrice Harris, une commerçante, en veut aux responsables politiques qui se sont engagés dans ce marathon juridique.

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« Ils pensaient que c’était pour notre bien, mais ce n’était que pour le leur », estime-t-elle. « S’ils nous aimaient en tant que Libériens, ils comprendraient ce que cela signifie de venir au marché pour ne pas même trouver de quoi nourrir son enfant, ils nous font souffrir ».

Les observateurs internationaux ont jugé le déroulement du vote largement crédible, malgré des problèmes d’organisation et de longs retards relevés pour désigner le successeur d’Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue à la tête d’un Etat africain.

Si la Cour suprême fait droit au recours, la NEC devra organiser une nouvelle élection dans un délai de 60 jours. A contrario, si elle le rejette, un second tour devra se tenir, nécessairement un mardi, selon la Constitution.

Si l’impatience de la population joue en faveur de George Weah, qui a appelé ses partisans au calme et à ne pas céder aux « provocations » pendant le déroulement de la « phase juridique de l’élection », à plus long terme l’incertitude risque de peser sur les perspectives économiques du pays, quel que soit le vainqueur.

« La réputation de notre pays est attaquée. Notre économie est sous pression », a prévenu Mme Sirleaf le 7 novembre, date à laquelle aurait dû se tenir le second tour.

L’imbroglio juridico-électoral fait peser des incertitudes sur la première transition démocratique depuis trois générations dans ce petit pays anglophone d’Afrique de l’Ouest de 4,7 millions d’habitants, ravagé de 1989 à 2003 par l’une des plus atroces guerres civiles du continent, qui a fait quelque 250.000 morts.

« En période électorale, en particulier dans des pays africains, les investisseurs potentiels veulent savoir à qui ils auront affaire, s’il (le nouveau président) appliquera une politique qui aura des répercussions sur leurs investissements », explique l’économiste Ansu Sunii, également membre de la campagne de George Weah.

Dans le doute « ils jouent la prudence » et diffèrent leurs investissements, souligne l’expert, évoquant le risque d’une rechute, alors que le pays tente péniblement de sortir de la récession.

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