États-Unis : les illusions perdues du Civil Rights Act

Le 2 juillet 1964, l’adoption du Civil Rights Act mit un terme à la ségrégation raciale et fit se lever un formidable espoir. Un demi-siècle plus tard, les progrès sont indéniables. Mais on reste loin du compte.

Le président Johnson sert la main de Martin Luther King. © AFP FILES / AFP

Le président Johnson sert la main de Martin Luther King. © AFP FILES / AFP

Publié le 2 juillet 2014 Lecture : 2 minutes.

Rosa Parks, lors de son procès, en 1955. © AP/SIPA
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Rosa Parks : une place assise… pour rester debout

Le 1er décembre 1955, Rosa Parks refusait de céder sa place à un passager blanc, dans le bus numéro 2857 de Montgomery, en Alabama, aux États-Unis. Sans le savoir, elle allait être l’un des principaux déclencheurs d’une marche pour les droits civiques des Africains-Américains qui allait changer le visage des États-Unis. Retour, soixante ans plus tard, sur un moment d’histoire et sur ses conséquences.

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L’Amérique de Barack Obama a fêté sans triomphalisme aucun le 50e anniversaire du Civil Rights Act, la célèbre loi qui, le 2 juillet 1964, mit fin à la ségrégation en interdisant les discriminations fondées (notamment) sur la race et la couleur de la peau. Pour nombre d’habitants de ce pays – et les Noirs, bien sûr, en premier lieu -, cet anniversaire, endeuillé par la mort, en mai, de la grande poétesse Maya Angelou, ne saurait masquer de graves et persistants obstacles sur la route qui mène à l’égalité.

Au mois d’avril dernier, au Texas, lors d’une cérémonie d’hommage à l’ancien président Lyndon B. Johnson – l’homme qui promulgua le Civil Rights Act – Obama a ainsi concédé que "la question de la race continue de colorer [les] débats politiques". "Le président des États-Unis, a-t-il dit, ressemble à un nageur de relais pris dans les rapides de l’Histoire. En faisant adopter des lois, il peut réussir à modifier ces courants. Johnson avait ce génie-là."

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Lui aussi invité à cette cérémonie, Jimmy Carter (autre ancien chef de l’exécutif) a estimé que, depuis le vote de cette loi, l’Amérique s’était quelque peu endormie. Quant à Bill Clinton, il a critiqué les lois récemment adoptées dans certains États dirigés par les républicains. Sous le prétexte de lutter contre la fraude électorale, c’est bel et bien d’une remise en question du droit de vote des minorités qu’il s’agit.

Un musée national sur l’histoire et la culture noire

Un avis que partageaient sans nul doute les personnes rassemblées en août 2013 à Washington à l’occasion de la célébration du 50e anniversaire de la Marche pour l’emploi et la liberté. Dans le New York Times, l’un des participants à cette marche avait expliqué qu’il était à l’époque convaincu que ladite marche ouvrirait une nouvelle ère dans laquelle "les Blancs respecteraient davantage les Noirs". Las, de son propre aveu, "le changement dans les mentalités a été très lent".

Reste que la lutte des Noirs qui culmina avec l’adoption du Civil Rights Act est désormais au coeur du grand roman américain. Un musée national sur l’histoire et la culture noire ouvrira ses portes en 2015 sur le National Mall, à Washington, tandis que la Bibliothèque du Congrès s’apprête à accueillir une abondante collection d’interviews vidéo d’Africains-Américains, célèbres et anonymes, sur le thème : qu’est-ce qu’être noir aujourd’hui aux États-Unis ?

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L’enjeu est aussi économique. Pour l’universitaire William Jones, auteur d’un ouvrage sur l’histoire oubliée des droits civiques, on assiste actuellement à "une résurgence des disparités raciales en matière d’emploi, d’accès à la richesse et de réussite scolaire". "Pour préserver l’héritage du Civil Rights Act, il faudrait une politique beaucoup plus vigoureuse afin que tous les Américains puissent vivre dans la dignité", estime-t-il.

Quatre enfants noirs sur dix grandissent dans la pauvreté

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On en est loin. L’autre grand combat du président Johnson, la guerre contre la pauvreté, a en effet été perdu. Et d’abord pour les Africains-Américains. Quatre enfants noirs sur dix continuent de grandir dans la pauvreté, ce qui n’est pas anormal puisque le taux de chômage des Noirs avoisine 12 %. C’est le double de celui des Blancs. Pas de quoi pavoiser.

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