Démographie : quand Hong Kong exporte ses vieux

Prix de l’immobilier exorbitant… Maisons de retraite saturées… L’ex-colonie britannique n’y va pas par quatre chemins : elle exile en Chine continentale ses seniors dépourvus de moyens suffisants.

À Hongkong, les personnes âgées patientent 20 à 30 mois pour une place en maison médicalisée. © Reuters

À Hongkong, les personnes âgées patientent 20 à 30 mois pour une place en maison médicalisée. © Reuters

Publié le 7 juillet 2014 Lecture : 2 minutes.

Lok Yeung a fêté ses 82 ans en avril. Sourire édenté et pommettes cuivrées, la petite femme est souvent photographiée par les touristes en vacances à Hong Kong. Elle regarde les immeubles barrant le ciel : "Dans quelques mois, je vais devoir partir. Ils vont m’envoyer là-bas, de l’autre côté du détroit. J’aurai une chambre, un déambulateur et un ascenseur. Mais ils ne m’ont pas dit si je pourrai jouer au mah-jong."

Lok Yeung fait partie des trente mille seniors – la plupart vivant sous le seuil de pauvreté – que les autorités de Hong Kong ont décidé de "délocaliser" en Chine continentale, dans la province voisine du Guangdong. Le problème est urgent : en 2050, plus d’un tiers de la population aura plus de 65 ans. En décembre 2013, quand Hong Kong a interdit la pêche au chalut dans ses eaux, Lok Yeung, qui est issue d’une longue lignée de pêcheurs, a dû quitter le bateau sur lequel elle dormait. Depuis, elle vit chez sa soeur et son mari, dans un appartement de 9 m2 au dixième étage d’une tour dans le quartier surpeuplé de Sham Shui Po. "Ils m’ont déjà chassée de mon bateau. À présent, ils ne veulent carrément plus de nous."

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Les incivilités anecdotiques mettent le feu aux poudres

"Ils", ce sont les Chinois du continent, bien sûr. Dix-sept ans après la rétrocession à la République populaire, une colère sourde gronde dans l’ex-colonie britannique. Les gens soupçonnent Pékin de vouloir remettre en question leur mode de vie et leurs libertés. La liste des doléances (engorgement des maternités, prix exorbitants de l’immobilier, liste d’attente dans les écoles, etc.) est sans fin.

Mais ce sont souvent des incivilités parfaitement anecdotiques qui mettent le feu aux poudres. Une gamine mangeant des nouilles dans le métro… Un bambin de 2 ans urinant dans un caniveau… "Les Chinois du continent sont grossiers et mal élevés, grommelle la vieille dame. Ils empêchent les Hong-Kongaises d’accoucher chez elles, inscrivent leurs enfants dans nos écoles et, à présent, nous chassent de chez nous."

Le problème n’est pas aussi simple, explique le gérontologue Alfred Chan, qui dirige le projet : "Chaque année, plus de cinq mille personnes âgées meurent faute de soins appropriés et d’un environnement correct. Le temps d’attente pour une place dans un hospice médicalisé peut atteindre trois ans…" Quand leur tour arrive, nombre d’entre elles sont décédées ! "Il ne s’agit pas de forcer qui que ce soit à s’exiler en Chine, insiste le Dr Chan. Les gens ne partent que s’ils le veulent bien." Lok Yeung s’étrangle d’indignation : "Est-ce que j’ai le choix ? Sans place en maison de retraite, où puis-je aller ?"

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