Ensemble, stoppons les trafiquants de drogue
La Commission ouest-africaine sur les drogues a publié le 12 juin son rapport inaugural. Ses conclusions sont alarmantes et doivent nous inciter à reconsidérer des vérités trop couramment traitées comme acquises.
L’Afrique de l’Ouest n’est plus seulement une zone de transit pour les stupéfiants produits en Amérique latine et acheminés jusqu’en Europe – comment imaginer qu’un tel fléau puisse simplement passer par nos côtes sans laisser de traces ? En outre, les victimes de la drogue sont généralement sous-éduquées, sans emploi stable et sans espoir concret.
La tentation de prendre pour argent comptant les vaines promesses de la drogue est, pour elles, d’autant plus forte. Il nous faut donc faire un vrai travail de sensibilisation et multiplier les initiatives conjointes entre gouvernements et société civile – les ministères de la Santé ou de l’Éducation et les organisations ont une expertise avérée en la matière et gagneraient à mutualiser leurs efforts.
Mais il nous faut plus encore réfléchir sur les conditions sociétales dans lesquelles la drogue fleurit. Il est consternant – mais hélas guère surprenant – de relever, comme le souligne le rapport, que 22 des 34 pays les moins susceptibles d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement sont soit des régions productrices, soit des zones de transit. De même que la drogue détruit les individus et les familles, elle détruit in fine le tissu social de nos pays. Les trafiquants ne sauraient proposer de solutions de long terme : ils exploitent la pauvreté à leurs propres fins. La panoplie de leurs moyens comprend la déstabilisation des gouvernements ou le financement de mouvements armés pour propager pauvreté, sentiment d’exclusion sociale et culture de mort qui servent leurs seuls intérêts.
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Ne nous trompons pas de cibles. Les gens qui prennent de la drogue doivent être traités comme des victimes, non comme des coupables. Ceux qui tirent profit de la misère des autres doivent, eux, faire face à la loi dans toute sa rigueur. Il est évident que des tentatives isolées ne sauraient convenir. Pour faire face à des réseaux criminels internationaux, générant des flux financiers de plusieurs milliards d’euros, seule notre force collective peut prévaloir. Il nous faut, ensemble, oeuvrer pour empêcher l’utilisation de nos ports et aéroports comme plaques tournantes d’un transit qui menace la santé de nos populations, la sécurité de nos pays et la stabilité de notre région.
Grâce à la création de l’Office central de répression du trafic illicite de drogue et du blanchiment, grâce à son opérationnalisation via les unités mixtes de contrôle de containers et grâce à la cellule aéroportuaire antitrafic, le Togo a pu enregistrer des progrès notoires dans la lutte contre les trafics en tous genres. Depuis 2011, les services ont saisi plus de 130 tonnes de drogue et substances psychotropes diverses ainsi que des médicaments contrefaits. Cette mise en oeuvre de notre volonté politique par le déploiement sur le terrain d’unités d’intervention équipées et formées me paraît un élément essentiel, qui pourrait être élargi à la sous-région.
>> À lire aussi : la tribune de Pedro Pires : comment le nercotrafic met en péril le développement de l’Afrique de l’ouest
Nous réfléchissons à l’organisation prochaine à Lomé d’une conférence visant à améliorer la coopération douanière régionale et à harmoniser nos législations pour lutter contre les trafics, notamment de drogue et d’ivoire. Il s’agit de trouver des mécanismes institutionnels et pratiques pour agir ensemble contre ces fléaux qui nous menacent tous. Cette conférence s’inscrira dans les objectifs de la West African Coast Initiative visant à lutter, au niveau de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), contre le trafic de drogue et le crime organisé.
Elle s’inscrira aussi dans la droite ligne des initiatives déjà entreprises, en partenariat avec Interpol et nos voisins du Ghana et du Bénin, dans le cadre de l’opération Atakora. Ce que nous voulons, c’est protéger nos populations, protéger nos jeunes afin qu’ils optent pour une vie saine et équilibrée, mais aussi protéger les pays européens vers lesquels la drogue est envoyée. Ne pas agir serait fermer inconsciemment les yeux sur les risques que font courir à la paix et à la sécurité des réseaux criminels et terroristes dont les routes et les intérêts convergent.
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