Football – Algérie : la Fédération cible les binationaux sur les réseaux sociaux
Vraie volonté ou mauvaise communication ? Le 29 novembre dernier, un message publié sur les réseaux sociaux par la Fédération algérienne de Football (FAF) à l’issue d’un bureau fédéral a fait beaucoup de bruit. Il y est question des binationaux, d’engagement pour le pays et de supériorité technique. Depuis, les instances tentent de minimiser sa portée.
Le 29 novembre dernier, alors que le Bureau fédéral de la FAF qui se réuni mensuellement éait sur le point de s’achever, un message laconique mais aux effets dévastateurs est publié sur le compte Les Verts d’Algérie. Il y apparaît deux phrases explicites : « Deux critères seront pris en considération pour convoquer un joueur établi à l’étranger dans l’une des sélections nationales. Son engagement inconditionnel en faveur de l’Algérie, et sa supériorité technique par rapports aux joueurs exerçant en Algérie. »
Les binationaux ciblés
Décision du BF : deux critères seront pris en considération pour convoquer un joueur algérien établi à l'étranger dans l'une des sélections nationales : son engagement inconditionnel en faveur de l'Algérie et sa supériorité technique par rapport aux joueurs exerçant en Algérie.
— Équipe d'Algérie de football (@LesVerts) November 29, 2017
On a l’impression qu’on veut créer deux catégories d’Algériens
Nasser Sandjak, ancien sélectionneur national, également passé par le banc de la JS Kabylie et du MO Bejaia, n’a pas été le moins surpris par ce tweet. « J’ai cru à une plaisanterie. On remet en cause l’intégrité des personnes, on s’interroge sur la notion même de nationalité. C’est choquant que le Bureau fédéral de la Fédération publie cela. On a l’impression qu’on veut créer deux catégories d’Algériens », déconce le technicien.
« A part créer des tensions, je ne comprends pas la démarche. Cela va donner l’impression aux joueurs binationaux qu’ils ne sont pas forcément les bienvenus en sélection nationale. Ce n’est pas très engageant. Et j’ai aussi le sentiment qu’on veut coller sur le dos de ces binationaux les mauvais résultats de l’Algérie depuis un ou deux ans. »
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Un avis partagé par un coach français connaissant bien le contexte local. « Depuis quelques mois, il y a comme une tentation [del ‘équipe nationale algérienne] de se refermer sur elle-même, alors que la tendance internationale est à l’ouverture. Je pense que c’est temporel et temporaire. On cherche à mettre en valeur les joueurs locaux, mais je suis au fond convaincu que ceux qui sont derrière ce genre de tweet n’y croient pas eux-mêmes. S’attaquer aux binationaux, c’est facile pour certaines personnes. Il faut trouver des coupables aux mauvais résultats de la sélection. »
Un débat qui agite ponctuellement l’Algérie, mais pas ses voisins tunisien et marocain. « Dans ces deux pays, cela ne pose pas question. Ils sont contents de leurs binationaux », reprend Sandjak. « Sincèrement, cette notion d’attachement inconditionnel à l’Algérie donne une impression bizarre : c’est comme si la FAF ne voulait plus des binationaux, ou en tout cas en nombre restreint, mais qu’elle n’ose pas le dire ouvertement.»
Une politique de formation à réinventer
La seconde partie du tweet du 29 novembre dernier évoque la supériorité technique que devraient justifier les joueurs évoluant à l’étranger par rapport aux locaux.
Une exigence qui, là encore, interpelle Sandjak : « Le haut niveau, c’est la technique, effectivement, mais aussi le mental, le sens tactique, etc… La technique n’est qu’un élément de la performance. Je ne comprends pas comment un Bureau fédéral peut énoncer cela. On imagine qu’un entraîneur va se servir de ce critère technique pour faire ses choix… »
Depuis huit ou neuf ans, c’est surtout grâce à ses binationaux que l’Algérie a obtenu des résultats
« Il faudrait que le football algérien se pose les bonnes questions. Il y a de très bons joueurs en Algérie. Le problème, c’est que la politique de formation n’est pas développée. Il faut avoir des structures pour former les jeunes. Comment voulez-vous que les joueurs locaux aient le niveau international s’ils ne bénéficient pas d’une vraie formation ? Les binationaux ont été façonnés en Europe. La différence est là », grince sandjak.
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Et d’ajouter : « Que les responsables de notre football s’attaquent aux vrais problèmes : une vraie professionnalisation, de bons terrains, des structures, une politique de formation. »
Lors de la Coupe du Monde 2014, lors de laquelle l’Algérie avait atteint les huitièmes de finale face à l’Allemagne (1-2), plusieurs des joueurs utilisés par Vahid Halilhodzic étaient nés en Algérie, et y avaient débuté leur carrière (Slimani, Soudani, Djabou, Halliche…) « C’est la preuve que le talent existe dans ce pays. Mais depuis huit ou neuf ans, c’est surtout grâce à ses binationaux que l’Algérie a obtenu des résultats », rappelle l’entraîneur français.
Une erreur de communication ?
Contacté, Rabah Saâdane, le directeur technique national (DTN), qui était présent lors de ce Bureau fédéral, plaide une erreur de communication.
« Ce tweet ne reflète pas la réalité. Le président de la AF, Kheireddine Zetchi, est simplement à la recherche de la meilleure qualité pour la sélection nationale, mais il n’y a pas de volonté d’écarter les binationaux, bien au contraire. L’Algérie ne peut pas se permettre cela », explique l’ancien coach des Fennecs, qui avait justement qualifié son équipe pour la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud avec une très forte majorité de binationaux.
« Les portes de la sélection nationale restent ouvertes », explique le cheikh. L’opération déminage est lancée… Mais à pas comptés : le tweet en question n’a toujours pas été supprimé.
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