Ramadan : sportifs en position de hors-jeûne
Point d’orgue du calendrier islamique, le mois sacré impose son rythme à l’ensemble de la communauté musulmane. Cette année, Coupe du monde et ramadan se chevauchent. Ce qui ne simplifie ni la vie des footballeurs musulmans, ni l’avis des autorités islamiques.
Peut-on concilier convictions musulmanes et sport de haut niveau ? Les athlètes pratiquants peuvent-ils se dispenser de jeûner lorsque les grandes compétitions internationales coïncident avec le mois sacré du ramadan ? La question, qui s’est posée avec acuité pendant les Jeux olympiques d’été de Londres, en 2012, revient inévitablement sur la table à l’occasion de l’actuelle Coupe du monde de football, au Brésil.
Qualifiées pour les huitièmes de finale – qui commencent le 28 juin -, l’équipe d’Algérie et une petite partie des effectifs du Nigeria sont concernées au premier chef. Quelques joueurs français, allemands ou suisses seront aussi confrontés à ce dilemme. Nul besoin d’être physiothérapeute ou diététicien pour comprendre que les exigences de la compétition sont difficilement compatibles avec le jeûne.
Surtout en période estivale, où un sportif de haut niveau a besoin de 250 ml d’eau toutes les vingt minutes… Les autorités musulmanes se montrent généralement compréhensives et édictent des fatwas autorisant les athlètes, assimilés à des voyageurs, à ne pas jeûner (le voyage, la grossesse, la maladie et, dans certaines interprétations, le jihad constituent des motifs de dispense).
Campagne virulente
En 2012, le Haut Conseil islamique en Algérie, le Conseil supérieur des oulémas au Maroc ou le mufti des très rigoristes Émirats arabes unis avaient adopté des avis dans ce sens. Aux JO de Londres, le Français Mahiedine Mekhissi-Benabbad, médaillé d’argent sur le 3 000 mètres steeple, avait par exemple choisi de s’exempter de jeûne. Le nageur tunisien Oussama Mellouli, sportif le plus titré de l’histoire de son pays (trois médailles olympiques, dont deux en or), aussi, qui avait été la cible d’une campagne virulente des extrémistes salafistes.
Qualifié de "mécréant", Mellouli avait reçu des menaces de mort après avoir été filmé en train de boire un verre de jus à la fin de l’épreuve de 10 km en eau libre.
Qualifié de "mécréant", il avait reçu des menaces de mort après avoir été filmé en train de boire un verre de jus à la fin de l’épreuve de 10 km en eau libre, qu’il venait de remporter. Si la plupart des footballeurs professionnels musulmans trouvent des accommodements et préfèrent ne pas s’étendre sur le sujet, d’autres se montrent intransigeants. L’Algérien Rafik Saïfi, qui fit les beaux jours du club français de Troyes, a ainsi connu bien des déboires avec ses entraîneurs. Lui estime pourtant qu’avec une hygiène de vie adaptée, et à condition de bien connaître son corps, il est possible de jouer un match complet le ventre vide. C’est aussi l’avis du Français Abou Diaby (Arsenal) ou du Sénégalais Demba Ba (Chelsea).
L’Euro 2016, qui sera organisé en France et coïncidera encore partiellement avec le ramadan, risque cependant de poser un sérieux casse-tête aux oulémas hexagonaux les plus conciliants. Car tous reconnaissent que le sport de haut niveau n’est pas une excuse valable pour rompre le jeune. Et dans deux ans, il ne sera plus possible de se retrancher derrière l’excuse bien commode de "voyage" pour les footballeurs français ou résidant en France… car ils joueront à domicile !
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© MAHMUD TURKIA / AFP
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