Union africaine : retour sur un sommet marqué par la lutte contre le terrorisme

Lors du 23e sommet de l’UA, les Boko Haram, Shebab et autres fous de Dieu étaient dans toutes les têtes. Les questions de sécurité ont donc dominé les débats entre des présidents désormais déterminés à joindre leurs forces.

Le 27 juin, à Malabo. © Amine Landoulsi / AFP

Le 27 juin, à Malabo. © Amine Landoulsi / AFP

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Publié le 1 juillet 2014 Lecture : 5 minutes.

L’ambitieux "Agenda 2063", qui avait soulevé l’enthousiasme lors du 50e anniversaire de l’Union africaine (UA), en janvier, a finalement été rattrapé par les réalités d’un continent miné par les crises. Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission de l’UA, qui avait porté haut et fort le projet, a repris l’initiative en fixant une nouvelle échéance. "Il faut faire taire les armes d’ici à 2020", a-t-elle insisté devant les chefs d’État réunis le 26 juin à Malabo pour le 23e sommet de l’Union, qui devait initialement porter sur le thème de l’agriculture et de la sécurité alimentaire.

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"Il est temps de prendre en main notre sécurité", a renchéri à la tribune le Mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz, président en exercice de l’UA. Et c’est dès maintenant que les dirigeants du continent entendent se coordonner pour tenter d’endiguer – à défaut d’éradiquer – le terrorisme. Entre les derniers enlèvements de femmes perpétrés fin juin par la secte islamiste Boko Haram au Nigeria et les combats qui font rage, en Somalie, entre les Shebab et l’Amisom (la force africaine déployée sur place), il y a de quoi faire…

Ces drames sont dans toutes les têtes, dans le Palais de conférences de Sipopo, dont les locaux luxueux contrastent avec des problèmes de logistique exaspérants. "Seules trois des dix photocopieuses fonctionnent", se lamente un fonctionnaire de l’UA. Dans l’hémicycle, les chefs d’État et leurs ministres des Affaires étrangères saluent les progrès de la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (Caric), à laquelle on annonce le ralliement de deux nouveaux volontaires : le Burkina Faso et l’Égypte. Mais ce n’est naturellement pas dans les séances plénières ni dans les conférences que se prennent les décisions…

Une vraie volonté de faire bouger les lignes

Dans les confortables salons VIP comme dans les salles de réunion exiguës, où ils ont multiplié les entretiens bilatéraux, les chefs d’État sont parvenus au même constat. "L’Afrique est confrontée à des défis sans précédent", résume le Tchadien Idriss Déby Itno. De Benghazi à Abuja, en passant par Mogadiscio et Niamey, les préoccupations sont identiques. Malgré les sourires de façade, les mines sont graves lorsque Moncef Marzouki, le président tunisien, sort de son tête-à-tête avec Abdelmalek Sellal, le Premier ministre algérien. Même entre le burkinabè Blaise Compaoré et le Congolais Denis Sassou Nguesso, on a parlé terrorisme et guerre asymétrique. "À ce sommet, il y a une prise de conscience et une vraie volonté de faire bouger les lignes, car nos sorts sont intimement liés", confie Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), le président malien.

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Certes les défis à relever sont les mêmes du Sahel à la Corne de l’Afrique, mais la mise en oeuvre de stratégies communes ne va pas de soi. "C’est le cas pour le Nigeria notamment, qui, bien que durement touché, n’en reste pas moins un État fort", estime un diplomate européen. Abuja souhaite en effet garder la mainmise sur sa sécurité, quitte à donner l’impression à ses partenaires qu’il gère la crise à huis clos.

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"Le Nigeria doit partager ses renseignements avec nous", s’agace un conseiller de Blaise Compaoré. Goodluck Jonathan, le président nigérian, a toutefois pu aborder la question lors d’un bref entretien avec IBK. Alors que leurs délégations peinaient à organiser cette entrevue, les deux hommes sont tombés nez à nez dans les couloirs au moment où le Malien venait de quitter son homologue tanzanien et musardait devant les panneaux rendant hommage aux grandes figures de l’UA. "J’ai trouvé Goodluck très affecté, mais disposé à collaborer. Nous devons unir nos efforts", confiait-il dans la foulée.

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Dans ce contexte, le retour de l’Égypte, qui assure 12,5 % du budget de l’UA, a été accueilli avec soulagement. "Nous comptons bien sûr encore plus sur les pays les plus importants", estime Ramtane Lamamra, le ministre algérien des Affaires étrangères, qui est l’un des artisans de ce retour et l’initiateur de la table ronde qui, pour la première fois, réunira les autorités de Bamako et les groupes rebelles du Nord, mi-juillet à Alger. Avant de rejoindre Malabo,

Abdel Fattah al-Sissi, le président égyptien

, avait d’ailleurs réservé sa première visite à l’étranger à l’Algérie, où il s’est entretenu avec Abdelaziz Bouteflika. Plus qu’un symbole, un message.

En Guinée équatoriale, il n’est resté que vingt-quatre heures. Un discours à l’ouverture du sommet, dix entretiens bilatéraux triés sur le volet (Niger, Tanzanie, Soudan du Sud, Tchad, Éthiopie…), un programme improvisé par une délégation en apparence désorganisée mais efficace…

Flanqué de quatre diplomates et de neuf gardes du corps sur le qui-vive, Sissi était en mission commando. Une opération délicate, tant l’Égypte s’est retrouvée sous le feu des critiques après le verdict (sept à dix ans de prison) prononcé le 23 juin à l’encontre de trois journalistes de la chaîne Al-Jazira. "Pas de politique intérieure ici", lâche sèchement un conseiller de Sissi. Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, a été le seul à ne pas saluer le retour de l’Égypte à l’UA lors de son allocution.

Sissi présent au sommet

Il n’empêche : le passage éclair de Sissi restera comme le moment fort de ce sommet. D’autant que, depuis l’attentat manqué contre Hosni Moubarak, en 1995 à Addis-Abeba, jamais un dirigeant égyptien n’avait assisté à cette grand-messe. Lors de la séance plénière, le 26 juin, Sissi a eu droit à deux salves d’applaudissements.

À la première évocation de son nom par la présidente de la Commission de l’UA, toute l’assistance s’est tournée vers la partie gauche de l’hémicycle, où il était assis, impassible. L’ovation a été nettement plus forte lorsqu’il a évoqué, dans son discours, les pères fondateurs de l’organisation, son compatriote Gamal Abdel Nasser ou le Ghanéen Kwame Nkrumah.

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Sur la question du terrorisme, Sissi s’est montré ferme et sans équivoque. "Nous le condamnons sous toutes ses formes, car il détruit les États et met la religion en danger. Il faut adopter des mesures communes pour l’éradiquer", a-t-il lancé. Parmi les États "détruits", Sissi a, en filigrane, épinglé la Libye, épicentre du terrorisme régional. "Le Caire va jouer un rôle important dans la résolution de cette crise", glisse Mohamed Bazoum, le chef de la diplomatie nigérienne.

En marge du sommet, les ministres des Affaires étrangères des six pays voisins de la Libye se sont réunis. Là encore, c’est Lamamra qui, de concert avec ses homologues nigérien et tchadien, est à l’initiative de ce groupe informel créé fin mai à Alger, lors de la conférence du Mouvement des non-alignés. À Malabo, ce trio s’est élargi aux autres voisins de Tripoli, qui entendent prendre le relais d’une diplomatie occidentale jugée "incapable" de mettre un terme à la déréliction de l’État.

Alger, Le Caire et les capitales sahéliennes s’allient contre les fous de Dieu. "La dynamique peut changer si les négociations avec les groupes armés du Nord-Mali avancent et si Sissi assied son influence en Libye. Du Caire, cette onde de choc régionale peut atteindre Boko Haram au Nigeria", espère un diplomate.

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Par Vincent Duhem et Joan Tilouine, envoyés spéciaux

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