Paradoxe de la sorcière

Fouad Laroui © DR

Publié le 23 juin 2014 Lecture : 2 minutes.

On apprend avec stupeur que la police de Ouazzane, au Maroc, vient d’arrêter une voyante "en flagrant délit". C’est quoi, le flagrant délit pour une voyante ? On l’a vu voir ? À ce compte-là, seuls les aveugles seraient innocents… Mais bref : une perquisition a permis à la force publique de saisir des pièces à conviction, dont des photos de notables de la ville. On se demande bien ce qu’elle allait en faire… Une page Facebook ?

La dame va être poursuivie pour escroquerie, sorcellerie, profanation du Livre sacré, etc. Nous suggérons de l’inculper aussi de cruauté envers les animaux puisque son art requiert, paraît-il, le sacrifice de hérissons castrés et de souris orphelines (sic). Les enquêteurs ont également trouvé chez elle un certain nombre de cadenas avec des noms dessus : c’est avec ça que les sorcières prétendent contrôler maris et amants. Personnellement, je soupçonne l’industrie mondiale du cadenas d’être de mèche avec ces harpies qui font fructifier sa production. Ils ont sans doute une clé… de répartition des profits.

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L’affaire de Ouazzane m’a rappelé une histoire qui s’est déroulée il y a quelques mois à Leeuwarden, en Frise. Des citoyens s’étaient plaints des agissements d’une de leurs voisines, une dame d’origine marocaine. À toute heure du jour et de la nuit, des gens débarquaient chez elle comme si elle tenait commerce dans son appartement, ce qui est interdit. Les voisins la soupçonnaient même de pratiquer le plus vieux métier du monde, ce qui ne laissait pas de les étonner vu son âge presque canonique. La police fit son enquête et découvrit que la voisine infernale l’était vraiment, en ce sens qu’elle avait passé un pacte avec Belzébuth : c’était ni plus ni moins qu’une voyante qui s’adonnait aussi à la magie noire, aux ensorcellements et à la confection de philtres d’amour.

Or, et c’est là que l’histoire devient intéressante, la police s’aperçut vite qu’elle ne pouvait rien contre la nécromancienne. Certes, celle-ci devait s’inscrire au registre du commerce avant d’exercer ses talents maléfiques et elle devait payer des impôts, mais à part cela, rien ne l’empêchait de confectionner des amulettes ou d’appeler la foudre de Lucifer sur la tête de n’importe quel individu à elle désigné par un de ses clients.

On voit donc le paradoxe. Dans nos pays du Maghreb, nourris de superstitions et de croyances farfelues, une voyante n’a pas le droit d’abuser de la crédulité de gens à qui, par ailleurs, on fait constamment prendre des vessies pour des lanternes ; mais dans un pays du nord de l’Europe, où la majorité de la population ne croit à rien et où le monde est complètement désenchanté, cette escroquerie à la petite semaine que constitue la voyance a le droit de prospérer. Cherchez l’erreur…

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