Et il est comment le dernier Rachid Boudjedra

Il n’est pas près de s’assagir, Rachid Boudjedra. Il est vrai qu’on ne peut guère s’attendre à ce qu’un auteur septuagénaire change subitement de caractère, encore moins de style. Avec Printemps, le plus prolifique des écrivains algériens propose à nouveau un livre plein de fureur, de colère, d’imprécations, sur fond de passion amoureuse entre femmes.

Renaud de Rochebrune

Publié le 29 juin 2014 Lecture : 2 minutes.

Ce roman foisonnant raconte l’histoire de Teldj, une jeune Algérienne trentenaire, originaire des Aurès et professeure de littérature à Alger, déterminée à "vivre autrement" à tous les égards. Fascinée par les grands textes de la culture arabo-musulmane sur le plaisir et l’amour, elle a mené depuis l’enfance une existence peu banale et tourmentée. Abusée à l’âge de 7 ans, orpheline peu après que sa mère, sage-femme, a été égorgée par un islamiste, devenue championne du 400 m haies au niveau mondial avant de se tourner vers la recherche, globe-trotteuse polyglotte, elle ne cache en rien son choix homosexuel dans un pays où ce penchant n’est guère accepté.

Et la voilà qui se prend de passion pour une belle Espagnole venue s’occuper de la maintenance du métro d’Alger, avec laquelle, pendant l’essentiel du livre, elle va vivre une aventure. Et parler de tout, y compris et surtout de la marche du monde en cette période où prend de l’ampleur le Printemps arabe.

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D’où le titre du livre, cependant trompeur. Car Boudjedra le marxiste, à l’instar de son héroïne et porte-parole, ne croit pas que les soulèvements de ces dernières années dans le monde arabe puissent mériter le qualificatif de "Printemps" et encore moins celui de "révolution" attribué par les médias occidentaux. Qu’ils menaient tout droit à l’"hiver" islamiste, marquant un recul et non un progrès, était selon lui dès le début une évidence.

Teldj, ressassant la comparaison avec les événements de la fin des années 1980 en Algérie, ne cesse de le marteler. Au fond, ces prétendues révolutions n’étaient que des émeutes stupides menées par des jeunes sans idéal qui ne se savaient pas manipulés. Par les fous de Dieu comme par leurs alliés objectifs des pays du Golfe et du monde occidental ultralibéral.

Voilà ce que voulait asséner Boudjedra dans ce roman-récit au style torrentiel et aux arguments pour le moins contestables. Mais qui peut et doit se lire comme un cri poussé par un homme à vif qu’exaspèrent les discours dominants.

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