Asim Omar, un étudiant soudanais condamné à mort dans l’indifférence médiatique
En Afrique comme en Europe, peu de gens ont entendu parler du sort de ce jeune étudiant de 23 ans, reconnu coupable de l’assassinat d’un agent de police, ce que sa défense, comme de nombreux élèves de Khartoum, conteste, dénonçant un procès politique.
Au Soudan, son nom est connu. Du moins par les étudiants. À l’international en revanche, on ne parle pas de son cas. Ce 5 décembre, une cour de justice a confirmé en appel une décision rendue le 23 septembre 2017 : Asim Omar, jeune étudiant en deuxième année à la faculté des sciences économiques et sociales de Khartoum, né en 1994 et originaire des Monts Nouba, dans la région du Kordofan du Sud marginalisée sur le plan économique, est condamné à mort. Il est accusé d’avoir assassiné, en mai 2016, un officier de police durant une manifestation à l’aide d’un cocktail molotov, ce que la défense conteste absolument.
« Nous sommes tous Asim Omar »
Jeune Afrique a pris contact avec un groupe d’activistes soudanais qui organise une campagne « Koulna Asim Omar » (« Nous sommes tous Asim Omar »). Bien que la mobilisation soit en partie menée depuis l’étranger, notamment à la prestigieuse université londonienne School of Oriental and African Studies (SOAS) et par une association d’alumni de Soudanais résidant en Grande-Bretagne, le collectif est méfiant et exige des gages. « Désolé, mais la police soudanaise surveille étroitement nos activités », nous dit-on.
Les rassemblements symboliques pour exiger la libération d’Omar ont rythmé la vie de l’université
Après la décision de justice du 5 décembre, des manifestations ont été organisées sur plusieurs campus soudanais, très politisés. Durant toute l’année 2017, les petits rassemblements symboliques pour exiger la libération d’Omar ont rythmé la vie de l’université. Lors de ces événements, des syndicalistes miment des procès, griment les forces de l’ordre ou encore encourage la prise de parole par le rap ou le slam. Sur les réseaux sociaux, un clip de rap circule en solidarité avec l’étudiant.
Une université remuante
C’est d’ailleurs peu de temps après une manifestation estudiantine qu’Asim Omar avait été arrêté, le 2 mai 2016. Quelques jours auparavant, de nombreux étudiants khartoumais s’étaient indignés d’une déclaration du ministre du Tourisme qui s’était dit favorable à une transformation du site historique de l’université, créée en 1902 sur les rives du Nil, en un lieu touristique, ce qui impliquerait la vente du site par le gouvernement.
À la suite de ces manifestations, des associations étudiantes avaient assuré que plus de 150 étudiants avaient été arrêtés et que les forces de l’ordre n’avaient pas hésité à tirer à la grenade lacrymogène et à la balle en caoutchouc à l’intérieur même de l’université de Khartoum pour empêcher les rassemblements.
Il est charismatique et il est vite devenu populaire au sein de la faculté
Ce lieu est depuis des décennies une des places fortes de l’opposition, islamiste, de gauche comme libérale. En 2012, l’université a été l’épicentre d’un mouvement de contestation sociale et politique répondant à la vague de révolutions et de manifestations dans le monde arabe et au Maghreb. En 2014, des mobilisations ont eu lieu contre la guerre au Darfour. Un étudiant avait alors trouvé la mort par balle.
« Il est charismatique et il est vite devenu populaire au sein de la faculté », nous assure un membre de Koulna Asim Omar. Pour ces jeunes, c’est clair : les autorités veulent faire taire un activiste qui dérange. Ils en veulent pour preuve que les soutiens du régime de Khartoum ont joué durant l’affaire avec le racisme anti-darfouri en présentant Omar comme originaire du Darfour, ce qui est faux. « Il est pacifiste, il n’a cessé de militer en faveur d’actions non violentes », assure-t-il encore. Et de rappeler qu’Asim Omar avait déjà été exclu d’une précédente université pour son militantisme.
Incohérences et faiblesses de l’accusation
La défense d’Omar assure aussi que l’instruction relève du procès politique et pointe du doigt que le nom même de la victime n’a toujours pas été produit devant la justice.
Les soutiens d’Asim Omar, eux, comptent alerter de nouveau les chancelleries occidentales. Et malgré la dernière décision de justice en date, ils disposent d’un nouvel argument : un des juges de la Cour d’appel a, ce 5 décembre, rejoint la défense dans ses conclusions et relevé les nombreuses incohérences et faiblesses du dossier.
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