Comment les Tunisiens perçoivent-ils la révolution sept ans après son déclenchement ?
Un récent sondage sur la vision que les Tunisiens ont de la révolution éclaire sur leurs nombreuses frustrations et leurs rares espoirs. L’occasion pour la classe politique de se remémorer les attentes des citoyens qui sont toujours d’actualité en 2017.
Le bureau d’études tunisien Sigma conseil a, en collaboration avec la fondation allemande Konrad Adenauer, conduit une large étude sur la révolution, son impact et sa perception, sept ans après son déclenchement. Les résultats du sondage ont été rendus publics le 7 décembre.
Une révolution de jeunes qui a échoué
Pour mener à bien ce travail, les équipes ont interrogé par téléphone, en novembre 2017, 1 002 Tunisiens, hommes et femmes, âgés de 18 ans et plus. Quels que puissent être les biais posés par une telle étude, plusieurs réponses sont éclairantes.
À la première question « comment appelez-vous les événements qui ont eu lieu en Tunisie le 17 décembre 2010 ? », 20% des sondés répondent « une révolution des jeunes », 18% « une révolution du peuple », alors que seulement 2% la perçoivent comme « une révolution de la classe ouvrière » et 1% comme « le chaos ».
51% des interrogés considèrent que la révolution a échoué
Quelle que soit la définition qu’ils en donnent, 51% des interrogés considèrent que la révolution a échoué, là où 41 autres répondent qu’elle n’est ni une réussite, ni un échec. Si les sondés semblent si dépités, c’est que, selon 56% d’entre eux, les objectifs même de la révolution n’ont pas été atteints.
Et c’est quelques pages plus loin qu’on peut se faire un début d’idée sur les attentes déçues des citoyens. « À votre avis quelles sont les trois principaux gains réalisés par la révolution tunisienne sept ans après son déclenchement ? », « la liberté d’expression », répondent-ils à 57%. « La démocratie » à 7%, « les libertés individuelles » à 5% et « la liberté de la presse » à 4%. Et, réponse éclairante s’il en est : 1% seulement des sondés répondent « la dignité », qui était pourtant un slogan scandé lors des manifestations. On retrouvait d’ailleurs cette revendication phare sous la forme de graffitis apposés sur les murs des villes.
Le respect des libertés s’est accru après le renversement du régime de Ben Ali
Reste que les sondés ne nient pas les acquis de la révolution. Mieux, alors que le vent conservateur qui a soufflé depuis 2011 sur la Tunisie a inquiété à plusieurs reprises et suscité de nombreuses polémiques, au final, il semblerait que les sondés considèrent que le respect des libertés s’est accru après le renversement du régime de Ben Ali.
La lutte contre le chômage devant l’insécurité
Et c’est à propos des questions sociales et économiques que les Tunisiens semblent les plus déçus. « La lutte contre le chômage », « l’amélioration du niveau de vie » et « l’amélioration de la situation économique du pays » trustent les trois premières places, devant la sécurité, comme réponses à la question : « À votre avis quels sont les trois éléments que la révolution tunisienne n’a pas pu réaliser jusqu’à maintenant ? ».
La révolution a permis l’intégration des femmes dans la vie politique pour 83% des sondés
Plusieurs propositions ont été aussi présentées aux sondés. Là encore, ces derniers se montrent tantôt satisfaits, tantôt mécontents ou frustrés. Ils sont ainsi 83% à se dire d’accord avec l’assertion suivante : « La révolution a permis l’intégration des femmes dans la vie politique ». En revanche, et cela sonne comme un désaveu profond, ils ne sont que 24% à être d’accord avec l’idée selon laquelle « la révolution a permis la mise en place d’un Parlement répondant aux attentes du peuple ». Ce qui semblait pourtant être sa principale promesse…
Pire, une écrasante majorité de Tunisiens – 78% – pensent que la révolution n’a permis en rien le développement dans les zones marginalisées. Là encore, il semble que ce soit une promesse importante de la révolution que de rétablir de l’égalité entre les régions…
Le développement de l’insécurité à la suite de la révolution revient dans plusieurs questions. Pour autant, cela ne semble pas être le principal motif d’inquiétude ou d’insatisfaction des sondés, contrairement à ce que l’on pourrait penser.
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