Djibouti : petit écran, jeunes talents
Pour ses 60 ans, la radio-télévision nationale djiboutienne bouscule sa grille. Place au divertissement et à la téléréalité. Avec, en vedette, des programmes inspirés de la Nouvelle Star ou de Koh-Lanta.
Djibouti : tenir le Cap
La Radio-télévision de Djibouti (RTD) a soufflé ses soixante bougies le 15 mai. Un anniversaire abordé avec une grille inédite et de nouvelles ambitions. Pour l’occasion, le pylône radio en ondes moyennes de Doraleh, qui avait été renversé par une bourrasque, a été remis en état. Mais l’institution s’est surtout dotée de nouveaux studios pour ses deux canaux télévisuels (satellitaire et terrestre) et ses trois antennes radio.
La télévision nationale propose dix-huit heures de programme, dont six de rediffusion. Avec l’arrivée en 2012 d’un nouveau directeur général, Abdoulkader Ahmed Idriss, spécialiste du marketing, sa grille a été rationalisée et refondue. Fini le tunnel de deux heures et demie de journal télévisé, décliné successivement dans les quatre langues nationales (français, arabe, afar et somali). "Nous avons espacé les bulletins d’information de manière à fractionner la soirée en plusieurs parties et à pouvoir diffuser des émissions en prime time, fédératrices et susceptibles de drainer de la publicité", explique le manager.
Jeunes Talents, le programme phare de la saison 2013, inspiré de la Nouvelle Star, symbolise ce renouveau. Pendant trois mois, les Djiboutiens se sont passionnés pour les tribulations artistico-médiatiques de jeunes chanteurs. Animée par deux présentatrices – l’une s’exprimant en afar, l’autre en somali, une première -, l’émission a permis à la RTD de battre tous les records d’audience et de réconcilier le public avec sa télévision nationale. Laquelle entend désormais exploiter le filon de la téléréalité. Focus sur un artiste est ainsi diffusé à titre expérimental depuis début mai, avec un certain succès.
Mais la vraie innovation de cette nouvelle grille devrait être Holl-Holl Challenge, un Koh-Lanta à la sauce militaire. Tourné en collaboration avec les Forces armées djiboutiennes (FAD) dans le camp d’entraînement de Holl-Holl, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale, le programme met en scène douze candidats recalés de justesse aux tests d’aptitude et qui rêvent d’embrasser une carrière sous les drapeaux.
Avec à la clé, pour le ou les vainqueurs, la garantie d’un engagement. Le feuilleton est diffusé en prime time depuis le 17 mai. S’il vise d’abord à divertir, il joue aussi sur la fibre patriotique en montrant le savoir-faire de l’armée. Et en présentant des candidats issus des différentes communautés linguistiques, il vise également à renforcer la cohésion nationale.
Abdoulkader Ahmed Idriss, le directeur
général de la RTD. © Halloyta Abou
Un réalisateur, trois cameramen et trois monteurs
Toute la difficulté a consisté à trouver les moyens de mettre en oeuvre ce qui apparaît comme une superproduction à l’échelle de Djibouti. Le tournage a mobilisé un réalisateur, trois cameramen et trois monteurs pendant près de deux mois. "Holl-Holl Challenge a coûté 50 millions de francs djiboutiens [environ 205 000 euros]. Le budget de la RTD nous permettait tout juste de payer nos salariés et de couvrir nos frais, mais nous avons réussi à autofinancer entièrement l’émission grâce aux sponsors", explique Ahmed Idriss.
Le patron de la télévision nationale se veut confiant : "Les Djiboutiens doivent cesser de se dénigrer. Beaucoup de téléspectateurs croient que la RTD est en retard sur ses concurrentes, alors qu’elle est beaucoup plus créative que les autres chaînes en langue somalie, qui ne savent pas faire de divertissement ou de téléréalité. Notre vrai problème, c’est le temps d’antenne, qui n’est pas extensible."
Pour respecter les différentes composantes linguistiques du pays, la chaîne doit en effet émettre en quatre langues, ce qui l’empêche de fidéliser son public sur une longue plage horaire. Mais la migration vers le tout-numérique, grâce aux nouveaux moyens de production offerts par la coopération chinoise, va bientôt lui permettre de surmonter cet obstacle. "Dès l’an prochain, nous pourrons décliner nos programmes sur quatre antennes différentes, une par langue nationale", conclut le directeur de la RTD.
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