Djibouti : l’islam, une affaire d’État
Formation des imams, contenu de l’enseignement religieux, activités des fondations caritatives… Le gouvernement veille au grain.
L’État veut reprendre la main sur le champ religieux, organiser le culte musulman pour prévenir les dérives sectaires et extrémistes. "L’environnement régional, avec la présence à nos portes des islamistes Shebab, en Somalie, et, à quelques encablures de nos côtes, celle d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique, qui sévit cruellement au Yémen, nous oblige à une réflexion globale", explique un conseiller du ministre des Affaires musulmanes.
Le président Ismaïl Omar Guelleh, en ouverture au deuxième Forum régional sur l’extrémisme religieux et le radicalisme, organisé du 18 au 20 mai dans la capitale, n’a pas dit autre chose : "L’attachement à l’islam et le refus de l’extrémisme sous toutes ses formes sont les deux faces d’une même médaille."
L’essor de l’islam dans la Corne de l’Afrique remonte aux premières années de l’hégire. Jusqu’à l’indépendance de Djibouti, en juin 1977, l’islam confrérique a occupé l’ensemble de l’espace religieux.
La période suivante, qui s’étire jusqu’en 1995, s’est caractérisée par une gestion a minima. Medersas (écoles coraniques) et instituts islamiques se sont développés sans aucun contrôle, sous l’oeil indifférent des autorités, dont l’énergie était accaparée par la construction de l’État.
Ce "laisser-faire" a profondément transformé le champ religieux djiboutien. L’enseignement de la religion, de la langue arabe et la formation des prédicateurs ont été assurés par des fondations privées, financées le plus souvent par les pays du Golfe. La plus emblématique de toutes, l’école saoudienne du "Quartier 7", rayonnait dans toute la sous-région et accueillait, outre les nationaux, les ressortissants d’Éthiopie et de Somalie, qui vivaient alors sous la férule socialiste. Les bénéficiaires de ces écoles ont ensuite essaimé dans la société et ouvert eux-mêmes leurs propres établissements.
En 1995, l’État change d’approche et commence à exercer un début de supervision sur les programmes dispensés dans les différents instituts. En 1999, un ministère délégué aux Affaires religieuses est créé. Progressivement, l’activité des multiples fondations caritatives fait l’objet d’une rationalisation. La loi-cadre du 30 décembre 2012 parachève ce processus. "Nous nous orientons vers un système où l’État, en collaboration avec le Haut Conseil islamique, prendra en charge la gestion du sacré en salariant les imams, à l’instar de ce qui se pratique en Tunisie ou au Maroc, explique Mohamed Houssein, secrétaire général du ministère des Affaires musulmanes et des waqfs.
Le pays compte aujourd’hui 300 mosquées, dont la moitié dans la capitale et 88 pour le seul quartier de Balbala. Nous avons aussi créé un diwan [bureau] de l’aumône légale islamique – le zakat -, à la fois pour avoir un droit de regard sur la destination des fonds collectés et pour l’utiliser comme un levier dans la lutte contre la pauvreté, en ciblant tout particulièrement les orphelins."
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