Crise politique au Burundi : dialogue de sourds entre pouvoir et opposition à Arusha

Présentée comme l’ultime round de discussions avant la signature à Arusha d’un accord entre le pouvoir et l’opposition, la quatrième session du dialogue interburundais s’est achevée vendredi sur un statu quo. Domitien Ndayizeye, ancien président du Burundi et conseiller de la facilitation, revient pour Jeune Afrique sur l’échec de ces négociations.

Domitien Ndayizeye, ancien président de la République du Burundi de 2003 à 2005. © DR

Domitien Ndayizeye, ancien président de la République du Burundi de 2003 à 2005. © DR

Aïssatou Diallo.

Publié le 11 décembre 2017 Lecture : 4 minutes.

Réunis à Arusha, en Tanzanie, le pouvoir et l’opposition burundais devaient discuter du 27 novembre au 8 décembre d’une feuille de route en huit points, soumise par le facilitateur tanzanien Benjamin Mkapa – désigné par le médiateur de la crise, le président ougandais Yoweri Museveni. Objectif des pourparlers : trouver une sortie à la grave crise politique que traverse le Burundi. Mais la rencontre s’est achevée sans la moindre signature d’un accord ni aucune déclaration commune. Rencontre avec Domitien Ndayizeye, l’ancien président du Burundi qui intervient comme conseiller de la facilitation.

Jeune Afrique : La rencontre s’est déroulée en l’absence de l’opposition en exil regroupée dans le CNARED. Quelle était l’utilité d’un dialogue qui ne rassemblait pas toutes les parties ?

Domitien Ndayizeye : Entre les personnalités de la société civile, les religieux, les membres de partis politiques au pouvoir et de l’opposition, près d’une centaine de personnes participaient à ce dialogue autour des huit points identifiés par le facilitateur. Il s’agissait entre autres de l’engagement à mettre fin à toutes les formes de violences dans le pays, de l’impact de la crise politique sur l’économie burundaise, ainsi que de la mise en œuvre de l’accord d’Arusha et des décisions du sommet de l’EAC du 6 juillet 2015 sur la formation d’un gouvernement d’unité nationale.

Beaucoup d’opposants, dont le CNARED et des personnes de la société civile, ne sont pas venus

La session de dialogue avait été convoquée à la suite de la rencontre du facilitateur avec le secrétaire général du parti au pouvoir et l’ombudsman (un député chargé des questions des droits de l’homme, NDLR). Mais le gouvernement avait demandé que les personnes qui font l’objet de mandats d’arrêt ne soient pas invitées. Beaucoup d’opposants, dont le CNARED et des personnes de la société civile, ne sont ainsi pas venus.

Du côté du pouvoir, le secrétaire général du parti du président Pierre Nkurunziza n’est pas venu assister aux discussions, alors que c’était normalement prévu. Il a été remplacé par le secrétaire permanent du ministère de l’Intérieur, qui n’était pas, selon nous, en position de prendre des décisions assez fortes.

Peut-on qualifier ce dialogue d’échec ?
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Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est un échec total. Lorsqu’on entame des négociations, on ne peut jamais dire comment elles vont se terminer. Cette rencontre et ces discussions entre pouvoir et opposition, c’est déjà un point positif.

Et puis, tous les acteurs ont désormais connaissance des huit points retenus par le facilitateur et les chefs d’Etat de la sous-région. Le facilitateur a également réalisé une synthèse des documents de conclusion transmis par chaque groupe. Et il en a tiré 19 points de convergence et onze de divergence, qu’il transmettra au médiateur.

Quels sont ces points de convergence et de divergence ?

Parmi les points de convergence, on retrouve la reconnaissance de la facilitation et de la médiation, la souveraineté du peuple au niveau social, économique et politique, le respect des engagements internationaux, la préparation des élections de 2020 et la référence à l’accord d’Arusha pour la réconciliation au Burundi et le respect de la Constitution.

Mais paradoxalement, ces mêmes points constituent aussi des points de divergence. Lorsqu’on affirme respecter l’accord d’Arusha et que, dans le même temps, certains réclament la révision de la Constitution, cela pose évidemment problème. En réalité, l’absence d’avancées lors de cette rencontre s’explique par le fait que les participants n’aient pas débattu de ces points de divergence. Il faudrait maintenant organiser un débat plus représentatif et plus restreint sur ces questions.

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L’autre problème de ces discussions résulte du fait que le gouvernement burundais ne reconnaisse pas l’existence d’une crise. Si vous êtes malade et que vous allez voir un médecin pour lui dire que « tout va bien », il lui sera difficile de vous trouver un traitement.

Le médiateur n’a pas encore dit son dernier mot dans cette affaire

Le gouvernement déclare souhaiter ramener le dialogue à Burundi. Qu’en est-il réellement ?

Le parti au pouvoir et le gouvernement burundais prévoyaient que ce serait la dernière session et que la suite des discussions se passerait au Burundi. Ce scénario ne me paraît pas crédible. Le médiateur n’a pas encore dit son dernier mot dans cette affaire, et je ne pense pas que le Burundi puisse se satisfaire de ce résultat non plus. Le débat continuera certainement l’année prochaine.

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Comment les chefs d’État de la Communauté d’Afrique de l’Est ont-ils réagi à l’issue de cette rencontre ?

Nous n’avons pas encore eu d’échos. Mais le facilitateur a indiqué qu’il leur ferait un rapport basé sur la synthèse des documents transmis par les différents groupes. Il rencontrera ensuite le médiateur. C’est à la suite de cela que nous connaîtrons leurs réactions. Mais il est probable qu’ils organisent un sommet spécial sur la situation au Burundi. C’est du moins notre espoir.

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