Djibouti : carrefour dangereux
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 2 juillet 2014 Lecture : 2 minutes.
Djibouti : tenir le Cap
Comment peut-on être Djiboutien ? Lors de la proclamation de l’indépendance, il y a tout juste trente-sept ans, la question pouvait légitimement se poser : aux yeux de ses voisins éthiopien et somalien, l’existence de cette escale de ravitaillement sur la route de l’océan Indien, autour de laquelle le colon français avait découpé un improbable "territoire des Afars et des Issas", était une sorte d’aberration postcoloniale.
En dehors de son chemin de fer, de ses salines et de son port franc, la ville-État n’avait aucune perspective de viabilité économique. Quant au sentiment d’appartenance nationale des quelques dizaines de milliers d’habitants que comptait alors cette terre de sultans batailleurs, sa réalité était aussi éphémère que le sont les effets de la mastication du khat.
Un quart de siècle, une guerre civile, deux présidents, une Constitution démocratique et quelques élections plus tard, la République de Djibouti a fini par exister pour de bon. Le comptoir des légionnaires en goguette et de tous les trafics de la mer Rouge est devenu une vraie capitale africaine, avec ses espaces portuaires de modernité ouverts sur la mondialisation et ses enclaves de grande pauvreté, ses quartiers résidentiels où bourgeonnent des fortunes pas toujours bien acquises, ses projets ambitieux de développement axés sur les énergies nouvelles et l’exploitation maximale d’une position géostratégique unique. Avec sa vie politique aussi, souvent tendue, toujours clanique, jamais apaisée, mais finalement pluraliste.
Sur ses voisins, Djibouti agit désormais comme un aimant. Une seule comparaison : son produit intérieur brut par habitant y est le triple de celui de l’Éthiopie ou de l’Érythrée, le décuple de celui de la Somalie. Sur les grandes puissances aussi : Français, Américains, Chinois, Russes, Japonais, Italiens, Allemands, Espagnols… Disposer d’une base, d’une facilité, d’un arpent de désert avec vue sur le Golfe de Tadjoura est désormais un must pour tous les états-majors et une appréciable rente de situation pour cet État à la fois entrepôt et garnison, qui se rêve désormais en Singapour de la Corne de l’Afrique.
Reste que le propre de l’aimant est d’attirer tout ce qui passe à la portée de son champ magnétique, y compris les ennuis : l’islamisme radical et les jihadistes, le terrorisme et les revendications territoriales, les tentatives de déstabilisation politique et les irrépressibles fringales de pouvoir. De 1977 à aujourd’hui, Djibouti a choisi d’emprunter le seul chemin possible, celui de l’ouverture sur le monde, au carrefour des mers, des zones géographiques et des influences contradictoires.
Pour le président Ismaïl Omar Guelleh, qui veille depuis quinze ans sur le devenir de ce petit État et de son petit million de citoyens et dont nul ne sait encore s’il se représentera, ou non, en 2016, la gestion quotidienne de cette vulnérabilité obligée s’apparente souvent à un casse-tête. Aujourd’hui comme hier, finalement, être Djiboutien est un combat permanent.
>> Lire aussi l’interview d’Ismaïl Omar Guelleh : "encore deux ans et je m’en irai, mission accomplie"
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