Turquie : Ihsanoglu défie Erdogan
C’est Ekmeleddin Ihsanoglu, ancien patron de l’Organisation de la coopération islamique, qui affrontera Recep Tayyip Erdogan à la présidentielle du mois d’août. Une sacrée gageure !
Ils en parlaient, ils l’ont fait. Le 16 juin, le CHP (centre gauche) et le MHP (droite ultranationaliste), les deux principaux partis d’opposition, ont désigné le candidat qu’ils vont conjointement présenter à la présidentielle du 10 août : Ekmeleddin Ihsanoglu, 70 ans, ancien secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique (OCI). Interrogé sur sa capacité à tenir tête au Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, très probable candidat de l’AKP, le policé "Ekmel Bey" a indiqué qu’il se préparait à quarante-cinq jours d’une rude campagne.
Pour ses parrains, Ihsanoglu a le profil idéal. "Intègre et expérimenté", estime Kemal Kiliçdaroglu, le patron du laïque CHP. Du côté du MHP, on apprécie qu’il soit lié, par son mariage avec la charmante Füsun, pharmacienne de formation et fille du Pr Emin Bilgiç, à une famille connue pour son engagement en faveur de la droite nationaliste. Si les uns louent sa sagesse, qui contraste avec l’agressivité d’un Erdogan de plus en plus autocratique, les milieux de gauche (y compris au CHP) ne se reconnaissent aucunement dans ce conservateur qui, disent-ils, court dans le même couloir que le Premier ministre.
Famille pieuse
"Un islamiste face à un islamiste", ironise un cadre du HDP, un parti prokurde. Car Ihsanoglu est issu d’une famille pieuse de Yozgat, en Anatolie. Son père a quitté la Turquie en pleine laïcisation kémaliste, en 1924, pour aller étudier à l’université Al-Azhar, au Caire. C’est dans la capitale égyptienne que naît et grandit Ekmeleddin. Après des études scientifiques à l’université Ain Shams, complétées par un doctorat à Exeter (Royaume-Uni), il dirige le Centre de recherches sur l’histoire, l’art et la culture islamiques (Ircica), à Istanbul (1980-2004).
Élu en 2004 à la tête de l’OIC avec le soutien d’Erdogan, cet arabisant et anglophone distingué dynamise les échanges culturels, scientifiques et commerciaux entre les États membres et promeut le dialogue avec l’Occident. À la fin de son mandat, en 2013, rien ne va plus avec le gouvernement AKP, qui lui reproche sa "déshonorante passivité" face à la destitution du président égyptien Mohamed Morsi.
Une blessure pour le diplomate, qui estime avoir fait son devoir en cherchant un consensus. Saura-t-il s’imposer face à un tribun populiste de la trempe d’Erdogan ? C’est ce qu’espèrent ses mentors, qui, tablant sur le soutien d’une gauche hostile au Premier ministre, comptent sur les origines anatoliennes et la piété bien tempérée d’Ihsanoglu pour rallier une partie de l’électorat AKP, choqué par les affaires de corruption qui éclaboussent le parti.
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