Côte d’Ivoire : quelles solutions apporter aux crises des forces de sécurité ?

L’année 2017 en Côte d’Ivoire a été marquée par une succession de mutineries dévastatrices et révélatrices des maux qui minent la défense. Arthur Banga, historien, enseignant-chercheur à l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan donne une série de solutions afin d’améliorer le fonctionnement et l’efficacité des forces de sécurité ivoirienne.

Des soldats de l’armée ivoirienne le 10 mai 2014 à Abidjan. © Bruno LEVY pour Jeune Afrique

Des soldats de l’armée ivoirienne le 10 mai 2014 à Abidjan. © Bruno LEVY pour Jeune Afrique

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  • Arthur Banga

    Docteur en relations internationales et en histoire des stratégies militaires. Enseignant-chercheur à l’Université Félix-Houphouët-Boigny, à Abidjan.

Publié le 20 décembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Alassane Ouattara en compagnie de Guillaume Soro à Abidjan le 4 décembre 2010 (photo d’illustration). © Thibault Camus/AP/SIPA
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Après analyse, il apparaît que sa première faiblesse réside dans ses ressources humaines. En effet, le format actuel de l’armée ivoirienne résulte de la crise postélectorale. Les Forces armées des Forces nouvelles [FAFN, ex-rébellion] ayant combattu pour le président Alassane Ouattara ont intégré l’armée nationale et en ont pris fort logiquement les rênes. Or, la plupart de ces soldats, formés uniquement et précipitamment à la bataille, ont un faible niveau d’instruction ­générale et une méconnaissance de la déontologie militaire.

Dès lors, il faut résoudre en priorité la question des hommes, en s’intéressant en urgence aux effectifs, à la formation (tant initiale que continue), aux sanctions et au recrutement. L’une des solutions est de valoriser les départs volontaires à la retraite. C’est la première mesure de la loi de programmation militaire qui doit être adaptée et appliquée au plus tôt.

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Formation militaire

L’innovation en matière de formation reste un enjeu majeur. L’objectif est de donner aux hommes en armes, en plus de l’aptitude physique, l’esprit militaire et une bonne instruction générale. Pour ce faire, des stages adaptés s’imposent.

Tout soldat qui n’a pas suivi la formation commune de base (FCB) doit se voir imposer un stage équivalent, dont les notes seront déterminantes pour son avancement. Il faut créer des modules notés dans les différents stages consacrés au civisme, à l’alphabétisation et à la discipline militaire.

Le retour de la discipline passe par une application plus stricte du code militaire

La multiplication des entraînements physiques reste l’un des meilleurs moyens de professionnaliser les troupes. Des semaines en bivouac – où activités physiques, stages tactiques et exercices de tir sont le quotidien des hommes – doivent régulièrement être exigées des commandants d’unité.

Il faut prévoir d’y ajouter tous les deux ans des exercices grandeur nature mobilisant des milliers de combattants sur une bonne partie du territoire national. Cette intensification des exercices, alliée aux opérations extérieures, est la clé pour renforcer les capacités opérationnelles et favoriser le développement d’un esprit de corps.

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Il ne faut pas non plus perdre de vue un autre facteur essentiel, celui des sanctions. Le retour de la discipline passe par une application plus stricte du code militaire : retards, absences et insubordination doivent être rigoureusement punis, conformément à ce que prévoient les textes.

La structuration des équipes

Parallèlement, l’amélioration du cadre de vie des soldats doit être prise à bras-le-corps. Les casernes et autres camps militaires en état de délabrement total ne peuvent qu’être des terreaux de mutinerie. De même, les griefs des soldats issus des Forces de défense et de sécurité [FDS, appellation de l’armée sous Laurent Gbagbo], notamment en matière de responsabilité et d’avancement, doivent être pris en compte afin d’éloigner le spectre d’une armée à double vitesse.

Fragilisé par une décennie de crise, le peu de confiance renaissant a rapidement volé en éclats face à ces mutineries en cascade

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Par ailleurs, il est important de réfléchir à la structuration des forces, à leurs effectifs et à leurs équipements, qui doivent être adaptés aux nouvelles menaces que sont le terrorisme et la piraterie.

Au demeurant, la défense ivoirienne doit se doter d’un outil de réflexion stratégique dynamique. Il pourrait appuyer les autorités dans l’analyse et la prise de décision en favorisant les études prospectives et les décryptages d’experts et d’universitaires.

Enfin, le lien armée-nation. Fragilisé par une décennie de crise, le peu de confiance renaissant a rapidement volé en éclats face à ces mutineries en cascade. Les forces publiques doivent se mettre au service de la population, et non le contraire ; quant aux leaders politiques, ils doivent les tenir éloignées de leurs propres batailles et, tous, intégrer le fait qu’elles sont l’outil de la République et ne peuvent être celui d’un camp. Tout cela est d’autant plus important que ces esquisses de solutions ne peuvent prospérer que dans un environnement national apaisé par la justice, la démocratie et la réconciliation.

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