Côte d’Ivoire : changement de rythme

Il était inévitable que le « miracle » ivoirien pâlisse un peu. On ne maintient pas pendant cinq ans un taux de croissance à 9 % sans que ce rythme effréné affronte des vents contraires venus de l’extérieur ou de l’intérieur. Analyse.

Quartier du Plateau, à Abidjan, en 2015. © Photo Guillaume Binet / MYOP pour JA.

Quartier du Plateau, à Abidjan, en 2015. © Photo Guillaume Binet / MYOP pour JA.

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Publié le 20 décembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Alassane Ouattara en compagnie de Guillaume Soro à Abidjan le 4 décembre 2010 (photo d’illustration). © Thibault Camus/AP/SIPA
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Côte d’Ivoire : la présidentielle de 2020, c’est déjà demain

A moins de trois ans de l’échéance du deuxième mandat d’Alassane Ouattara les attentes sociales demeurent nombreuses. Et la classe politique est déjà centrée sur la prochaine présidentielle.

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Selon les prévisions de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), la baisse de régime qui s’annonce devrait ralentir progressivement le rythme ivoirien un peu au-dessous de 7 % d’ici trois ans. C’est un taux plus qu’honorable mais qui n’est pas en ligne avec les prévisions du gouvernement, lequel table sur une croissance de 8 % par an pour mener à bien son Programme national de développement 2016-2020.

Première cause de cette inflexion, la chute des cours du cacao, entamée en 2016 et qui a infligé un choc important à l’économie. Ce sont pas moins de 6 millions de personnes qui, de près ou de loin, vivent de cette filière. Pour ne pas faire exploser les comptes du secteur cacaoyer, le gouvernement a été contraint de baisser le prix garanti aux planteurs.

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Déficit budgétaire ivoirien

Cette baisse des cours est d’origine spéculative. Les investisseurs avaient misé sur la fève durant le fort recul des prix des matières premières depuis 2015 et elle a été l’un des rares produits de base à résister à la déprime mondiale. Avec la petite reprise en cours des autres matières premières, les spéculateurs ont en partie retiré leurs fonds du cacao pour les placer dans le café ou l’anacarde. D’où l’inversion de la tendance, qui a pénalisé la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de la filière.

Cacao et agitation sociale ont contribué à aggraver le déficit budgétaire

Autre facteur du freinage, la grogne sociale exprimée début 2017 par les mutineries et les grèves à répétition des fonctionnaires. Dans les deux cas, les négociations ont débouché sur l’acceptation par le gouvernement de leurs revendications. Même si le paiement des arriérés de salaires des fonctionnaires, soit 249 milliards de F CFA (380 millions d’euros), doit être étalé jusqu’en 2026, ces ponctions financières affectent les comptes de l’État.

Cacao et agitation sociale ont contribué à aggraver le déficit budgétaire, qui atteindra pour 2017 un pic de 4,5 % du produit intérieur brut (PIB), contre 2,9 % en 2015. En cette fin d’année, la dette totale devrait dépasser les 42,5 % du PIB enregistrés fin 2016, mais son risque demeure modéré.

Aides financières

Le gouvernement entend remédier à ces dérapages dès l’an prochain et il semble avoir convaincu les marchés et les bailleurs de sa bonne foi. La France a promis 2 milliards d’euros de crédits à taux privilégiés, notamment pour financer le métro d’Abidjan. Les États-Unis ont octroyé une aide de 500 millions de dollars (plus de 420 millions d’euros) pour aider à combattre la pauvreté et à stimuler la croissance. En juin, la Côte d’Ivoire a collecté sans difficulté 1,25 milliard de dollars et 625 millions d’euros en euro-obligations (eurobonds). Et le FMI continue à débourser par tranches les 899,2 millions de dollars prévus au titre de ses programmes de crédit.

 L’économie ivoirienne se heurtera encore longtemps à deux handicaps structurels qui freinent sa croissance

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Ces renforts indiquent que la confiance règne, mais le gouvernement ivoirien ne pourra pas faire l’économie d’« une rationalisation des dépenses », c’est‑à-dire la remise à flot d’institutions bancaires comme la Caisse nationale des Caisses d’épargne, ou d’entreprises publiques comme la Société ivoirienne de raffinage. Il lui faudra aussi améliorer ses recettes en élargissant l’assiette des impôts et en limitant les exonérations fiscales.

Ajoutons que l’économie ivoirienne se heurtera encore longtemps à deux handicaps structurels qui freinent sa croissance : un niveau de vie très bas (46,3 % des Ivoiriens vivaient au-dessous du seuil de pauvreté en 2015, et cela ne s’est guère amélioré en deux ans) et le manque de compétences né de la déshérence du système éducatif durant la décennie 2000. Il conviendrait de conduire ces deux chantiers avec la même opiniâtreté qu’en matière de production d’électricité, laquelle a toutes les chances de doubler entre 2016 et 2020, conformément aux vœux de l’exécutif.

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