De Bouteflika à Biya, l’avion présidentiel, cet attribut indispensable du pouvoir
Indispensable attribut du pouvoir ou plaisir dispendieux, l’avion présidentiel est un objet mythique. De Bouteflika à Biya en passant par Déby Itno, les dirigeants africains ne s’en privent pas plus que les autres. Panorama.
"L’avion n’est pas un luxe pour un chef d’État, c’est une nécessité de souveraineté" : c’est ainsi qu’Ibrahim Boubacar Keïta, le président malien, répondait début mai aux questions de Jeune Afrique concernant l’acquisition polémique d’un Boeing 737 pour 30 millions d’euros. Il y a quelques semaines, l’éventuel achat d’un jet présidentiel par le Niger relançait la polémique, sur fond de négociations minières avec l’entreprise française Areva.
Ouganda, Nigeria, Bénin, Côte d’Ivoire, Sénégal, Afrique du Sud, Malawi, Madagascar… Pas un chef d’État acquérant un ou plusieurs avions n’échappe aux critiques et à l’éternelle question : cette dépense est-elle nécessaire ?
La réponse n’est pas à chercher du côté d’une opposition trop encline aux accusations de gabegie mais qui, si elle arrive aux commandes, s’accommodera vite de ce confort. Ces dix dernières années, l’évolution des relations du continent avec le reste du monde explique pour une bonne part ce qu’on pourrait trop vite qualifier de fièvre acheteuse. "Quand les déplacements des chefs d’État se limitaient à l’Europe, la nécessité était moins pressante, raconte un habitué du cercle très fermé de l’aviation VIP. Mais depuis que les relations avec le Moyen-Orient et l’Asie se sont intensifiées, beaucoup ont exprimé un nouveau besoin."
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SOMMAIRE DU DOSSIER
- Air africa One
- Maroc : Dans les valises de M6…
- Algérie : 312 millions de dollars les 30 heures de vol
- Tunisie : un quadriréacteur pour deux
- Libye : faste, fuite et décadence
- Sénégal : Abdoulaye, Karim et Viviane sont dans un avion…
- Tchad : Idriss Déby Itno et les rodéos
- Côte d’Ivoire : ADO est dans tous les détails
- Cameroun : quand l’Épervier fond sur l’Albatros
- Centrafrique : Bozizé, ses hélicos et son vieux coucou
- Gabon : étonnant voyageur
- Netanyahou attend son Air Force One
- Cercueils volants
- La malédiction de l’A340
- Et ailleurs dans le monde ?
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Tout est, selon lui, une question de proportion. Un Airbus A320 ou son équivalent américain, le Boeing 737 – des moyen-courriers de 150 places pouvant parcourir entre 5 000 et 7 000 km sans escale -, est bien souvent suffisant. Un A340 (plus de 15 000 km sans escale) ou un "triple 7" (Boeing 777) s’avèrent, eux, superflus. Quant au luxe à bord, seule la retenue d’un dirigeant responsable peut le limiter.
Et tous n’ont pas le sens des économies, ainsi que l’illustre cette question qu’aurait posée, selon un témoin, Viviane Wade, l’ancienne première dame du Sénégal, à l’étude des plans d’un Airbus sur le point d’être acheté : où serait placée la cabine de coiffure ? Omar Bongo Ondimba, quant à lui, voulait deux réacteurs supplémentaires en cas de panne… La facture peut vite flamber, et les architectes ne s’en privent pas, puisque l’essentiel du bénéfice d’une telle opération provient de ce sur-mesure.
Quoi qu’il en soit, la question n’est plus de décider si un chef d’État, africain ou non, doit avoir son appareil – qui appartient au pays et non à l’homme, faut-il le rappeler ? Mais plutôt de savoir quels sont les termes exacts de l’acquisition, si le modèle choisi est adapté et non surfacturé ou si le pays peut en assurer la maintenance. Posséder son "Air Force One" libère également les dirigeants des contraintes de la location (dont les factures sont rarement examinées en détail) et des prêts "d’amis" qui peuvent vite devenir encombrants.
Depuis plus de cinquante ans, de nombreux hommes d’affaires ont ainsi rendu ces petits services aériens : le magnat belge des mines congolaises Georges Forrest, les Français Jean-Yves Ollivier, intermédiaire et businessman bien connu, Michel Tomi, entrepreneur corse, ou Vincent Miclet, un millionnaire non moins influent qui a bâti une grande partie de sa fortune en Angola. Difficile ensuite, pour les bénéficiaires de ces gestes, de ne pas en être reconnaissants.
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