L’Indafrique en marche !
Les relations entre l’Inde et l’Afrique sont historiques et multidimensionnelles. Le pays jouit d’une grande estime sur le continent, où vivent actuellement près de 3 millions de personnes d’origine indienne.
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Ajay Kumar Dubey
Le professeur Ajay Kumar Dubey est enseignant-chercheur au Centre d’études africaines de l’École des études internationales de l’université Jawaharlal-Nehru (JNU), à New Delhi. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur les relations entre l’Inde et l’Afrique et la présence indienne sur le continent.
Publié le 12 janvier 2018 Lecture : 3 minutes.
Depuis 2008 et le premier sommet Inde-Afrique organisé à New Delhi, les liens économiques n’ont cessé de se renforcer entre les deux parties. Les objectifs de la politique étrangère indienne et ses méthodes d’engagement sur la scène internationale ont considérablement évolué, du mouvement des non-alignés pendant la guerre froide aux possibilités offertes par la mondialisation en marche.
Pour l’Inde, l’Afrique représente d’abord une manne de nouveaux marchés, propices à l’investissement. Elle considère également que le continent a un rôle prépondérant à jouer en matière de sécurité énergétique et de défense dans l’océan Indien. C’est enfin pour New Delhi un partenaire de poids dans le cadre de l’OMC, des négociations sur le changement climatique ou sur les réformes à engager dans les institutions comme le Conseil de sécurité de l’ONU, la Banque mondiale ou le FMI.
Multinationales modernes
La présence indienne, en elle-même, a changé. Ce ne sont plus des entreprises publiques mais des sociétés privées qui s’engagent désormais sur le continent, des multinationales modernes devenues les véritables moteurs de nos échanges économiques. Certaines d’entre elles, comme ONGC Videsh, très présente dans le secteur des hydrocarbures, sont même cotées à la Bourse de New York. D’autres, comme Tata, Mahendra, Aditya Birla, Kiloshkar, ainsi que des acteurs majeurs des télécommunications ou de la pharmacologie, sont déjà très florissantes en Afrique.
L’Inde a prévu de débourser lui-même 125 millions de dollars pour relier par fibre optique 47 pays africains
Toutes ces sociétés s’appuient sur la diplomatie économique mise en place par les pouvoirs publics indiens. New Delhi s’est depuis longtemps positionné comme un pourvoyeur d’aide au développement d’un genre différent, en participant au financement de partenariats entre des compagnies indiennes et des entités locales, publiques ou privées. En vertu de ces accords, la direction des entreprises doit être transférée à moyen terme dans le camp africain.
Les firmes ont également l’obligation d’employer une main-d’œuvre essentiellement locale. Ce transfert de compétences et de propriété volontaire est la clé d’une stratégie payante. L’Inde, par cet engagement singulier, se démarque des autres pays étrangers investis sur le continent.
Mais la démarche de New Delhi ne s’arrête pas là. L’état a prévu de débourser lui-même 125 millions de dollars (106 millions d’euros) pour son projet Pan-African E-Network, destiné à relier par fibre optique 47 pays africains, en accord avec l’Union africaine et les principales organisations sous-régionales à travers le continent.
Intégration limitée
Cependant, ce positionnement en Afrique, cette volonté de transformer cette estime traditionnelle en partenariat économique fait face à de nombreux défis. L’engagement indien est majoritairement traité par l’administration des institutions présentes dans le domaine des affaires étrangères. Leur fonctionnement, qui n’échappe pas à la corruption, absorbe près de 85 % des ressources financières allouées au développement.
On peut également déplorer qu’il n’existe pas de principe d’évaluation des investissements réalisés ou de l’aide au développement apportée à l’étranger.
De plus, le secteur privé indien se sent peu concerné lorsqu’il s’agit de maintenir de bonnes relations des deux côtés de l’océan, et les échanges professionnels peuvent parfois être très violents à l’égard des ressortissants africains, ternissant l’image de l’Inde sur le continent. Enfin, en dehors de Maurice, la diaspora indienne est peu intégrée dans les pays où elle réside. Autant de points sur lesquels il faut encore travailler pour conforter l’élan des acteurs publics et privés en Afrique.
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