Brexit : « Les Africains doivent se préparer à traverser une zone de turbulences »
Le Brexit divise aussi du côté africain. Les avis divergent sur les conséquences et les raisons du divorce anglo-européen. L’écrivaine et universitaire Véronique Tadjo fait le point.
-
Véronique Tadjo
Écrivaine et peintre franco-ivoirienne, auteure de l’ouvrage « En compagnie des hommes » sur l’épidémie d’Ebola de 2014.
Publié le 10 janvier 2018 Lecture : 3 minutes.
Depuis le Brexit, rien n’est plus comme avant. Une vague d’incertitude s’est abattue sur le Royaume-Uni. La population africaine qui vit à Londres, et que Wikipédia estime à 573 931 personnes, Nigérians et Ghanéens en tête, est elle aussi prise dans la tourmente. Les Britanniques qui ont voté pour la sortie de l’Europe trouvent aujourd’hui qu’on leur a caché la vérité sur l’ampleur des difficultés. Dans le même temps, ceux qui voulaient garder le statu quo sont frustrés par le chaos dans lequel se retrouve la classe dirigeante conservatrice qui ne sait plus où donner de la tête. Les négociations ont du mal à aboutir à Bruxelles, chaque jour amène sa peine.
Les relations commerciales avec l’Afrique pourraient alors connaître un regain d’intérêt
Peu de temps après le vote, une série d’agressions contre des Noirs et des ressortissants d’Europe de l’Est a affolé les étrangers. Ils ont eu soudain le sentiment d’être pris à partie. L’État a dû intervenir fermement pour calmer les esprits.
Effets du Brexit ?
À écouter certains économistes africains, l’optimisme devrait plutôt être de rigueur. En effet, si la Grande-Bretagne quitte le marché unique européen, elle va se tourner tout naturellement vers d’autres débouchés. Les relations commerciales avec l’Afrique pourraient alors connaître un regain d’intérêt. Il y en a aussi qui se réjouissent du Brexit parmi les travailleurs africains. Ils pensent que l’un des avantages à long terme sera la réduction du flot des immigrants venant de l’Est. Cela entraînera de meilleures opportunités d’emploi.
>>> VIDÉO – Brexit : les conséquences pour l’Afrique
Mais le contraire peut aussi être vrai, rétorquent les sceptiques. En cas de récession économique, le pays offrira moins de possibilités d’embauche et réduira également ses investissements et son aide au niveau international.
On a l’impression que les Britanniques ne voulaient pas véritablement de ce divorce coûteux et douloureux
Il y a les nonchalants qui pensent que, de toute façon, le Brexit ne changera rien. C’est seulement un problème entre Européens. Pour ceux-ci, ce sera, en quelque sorte, business as usual.
Et puis, il y a les angoissés, la grande majorité, qui craignent une baisse soudaine de leur niveau de vie. La livre sterling pique du nez, l’inflation est en hausse, et le moral de la nation est au plus bas. En fait, on a l’impression que les Britanniques ne voulaient pas véritablement de ce divorce coûteux et douloureux. Par ailleurs, ils commencent à douter que l’amour ait jamais existé entre Européens.
Révolution
Pourquoi tant d’acharnement, se plaignent-ils ? L’Union européenne a besoin de se réformer, tout le monde en est conscient. Elle s’est coupée de sa base et a été trop ambitieuse en voulant une Europe de plus en plus étendue malgré les grands écarts dans les niveaux de développement, sans compter les différences culturelles importantes. Une révolution était nécessaire, mais les anciens amis du Royaume-Uni ne peuvent lui pardonner de leur avoir tourné le dos.
Londres absorbe la plupart des ressources et impose un mode de vie que le reste du pays ne peut pas suivre
Révolution intérieure également. Avec le Brexit, le contrat de confiance entre la classe dirigeante et le peuple britannique semble avoir été rompu. On reproche aux hommes et aux femmes politiques d’avoir ignoré que Londres absorbe la plupart des ressources et impose un mode de vie que le reste du pays ne peut pas suivre.
Sanctions
La City est le berceau de la finance internationale et un véritable melting-pot où toutes les nationalités de la terre sont réunies. Il règne dans la capitale du Royaume-Uni un dynamisme et une richesse culturelle à nulle autre pareille. Mais c’est une ville à part, qui ne reflète pas nécessairement ce qui se passe dans la nation tout entière. La question de l’immigration a probablement pesé lourd dans la balance. Le vote Brexit aura été autant une sanction contre l’élite que contre les diktats de l’UE.
Une chose est certaine, le Brexit est une onde de choc qui pénètre les moindres recoins de la vie quotidienne et collective et dont toutes les répercussions ne sont pas encore connues. Il serait judicieux pour les Africains de se préparer à traverser une zone de turbulences s’ils veulent continuer le voyage avec leurs hôtes.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- La stratégie de Teyliom pour redessiner Abidjan