Football : et si l’Afrique gagnait la Coupe du monde…
L’Afrique gagnera un jour la Coupe du monde, assure le journaliste et écrivain Mabrouck Rachedi. Reste à savoir s’il sera alors possible de regarder l’Afrique comme une terre de football unifiée.
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Mabrouck Rachedi
Ecrivain franco-algérien dont le dernier roman est « Krimo, mon frère » (éd. L’École des loisirs).
Publié le 12 janvier 2018 Lecture : 3 minutes.
L’Égypte, le Maroc, le Nigeria, le Sénégal et la Tunisie se sont qualifiés pour la Coupe du monde 2018. Chacune de ces équipes nationales porte sur ses épaules le poids d’un rêve : qu’une équipe africaine triomphe enfin et remporte le trophée sportif le plus prestigieux. L’histoire a commencé avec les pionniers égyptiens, en 1934, et a repris après une longue interruption avec la qualification du Maroc en 1970.
Puis en 1974 ce fut le tour du Zaïre, avant le premier match gagné par la Tunisie de Dhiab en 1978, la qualification volée à l’Algérie de Madjer et Belloumi en 1982, la première qualification pour les matchs à élimination directe du Maroc de Khairi et Krimau en 1986, l’aventure du Cameroun du Vieux Lion Milla en 1990, la double épopée de la dream team nigériane avec Amunike et Yekini en 1994, puis Yekini et Kanu en 1998, la victoire sur les champions du monde et le parcours jusqu’aux portes de la demi-finale du Sénégal de Diouf en 2002, le Ghana d’Essien en 2006, l’Algérie de Mahrez et Feghouli en 2014…
Convulsions politique
Qui seront les héros dont on narrera les exploits lors de la campagne de Russie, 21e expédition pour le Graal sportif ? Quel capitaine soulèvera en 2018 le célèbre trophée Jules-Rimet ? Imaginons un univers parallèle sans problèmes de primes, de caprices de star ou de démission du sélectionneur à la dernière minute, sans interférence du politique sur la composition de l’équipe, sans marabout qui prenne le pas sur les accompagnateurs médicaux ni clash des ego…
Pour unir une patrie, donnez-lui la guerre ou la Coupe du monde, a déclaré Antoine Robein
Le staff technique y aurait de bonnes conditions de travail, les entraînements se dérouleraient dans un environnement apaisé, et des équipements dignes de ce nom, confiance et stabilité seraient propices à un certain équilibre… Normal pour le reste du monde mais exceptionnel pour les sélections nationales des pays africains – dont les convulsions politiques se répercutent sur le terrain –, cet univers reste encore un rêve presque inaccessible sur le continent.
Si l’alignement des planètes se faisait et laissait enfin s’exprimer à sa pleine mesure le talent des joueurs africains, reconnu dans les championnats du monde entier, alors un pays du continent aurait toutes ses chances de remporter la Coupe. On n’ose imaginer la liesse dans les rues du vainqueur et dans celles des pays voisins, fiers de s’associer à la célébration d’une première historique.
Une communauté sportive africaine ?
Quel sentiment l’emporterait alors entre le panafricanisme et les divisions régionales ? « Pour unir une patrie, donnez-lui la guerre ou la Coupe du monde », a déclaré Antoine Robein. Ce qui est vrai à l’échelle d’un pays ne l’est pas forcément à celle d’un continent, où la compétition peut être le miroir grossissant des antagonismes.
Le sentiment de communauté sportive africaine se heurte aux rivalités entre les sélections
Comme dans toutes ces institutions africaines où l’utopie de l’union se cogne trop souvent la tête contre les conflits historiques et les intérêts personnels, le sentiment de communauté sportive africaine se heurte aux rivalités entre les sélections, calquées sur les inimitiés politiques. Toutes les raisons sont bonnes pour honnir, calomnier, jalouser le voisin.
Bousculer la hiérarchie
C’est particulièrement vrai pour les deux Afrique, le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, qui ont tant de mal à se voir comme un ensemble unifié. Les résurgences d’une époque que l’on espérait révolue, faite de racisme et de sa forme exacerbée la plus ignoble, l’esclavage, montrent tout le chemin qu’il reste à parcourir avant que les gradins d’un stade vibrent du chant commun de supporters, noirs et blancs comme un ballon de foot.
Aucune équipe africaine n’est allée au-delà des quarts de finale. L’Afrique gagnera un jour la Coupe du monde, comme elle poursuit inexorablement son développement économique. Jusqu’ici, il a manqué ce petit brin de chance et, parfois, cette prime aux puissants accordée inconsciemment par les arbitres au moment de prendre des décisions litigieuses. La compétition reproduit les rapports de force et l’ordre établi. À l’Afrique, sûre de son potentiel et capable d’assurer son plein épanouissement, de bousculer la hiérarchie.
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