CPI : quelles réparations pour les enfants victimes de la milice de Thomas Lubanga en RDC ?

Comment évalue-t-on une jeunesse perdue ? La Cour pénale internationale (CPI) doit répondre à la question vendredi, dans sa décision sur le montant des indemnisations destinées aux anciens enfants-soldats forcés à combattre dans une milice congolaise.

Un enfant soldat de l’UPC à Bunia en RDC, en mars 2012. © Rodrique Ngowi/AP/SIPA

Un enfant soldat de l’UPC à Bunia en RDC, en mars 2012. © Rodrique Ngowi/AP/SIPA

Publié le 15 décembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Aujourd’hui adultes, les victimes de l’ancien chef de guerre Thomas Lubanga attendent en République démocratique du Congo (RDC) cette ordonnance, rendue plus de cinq ans après sa condamnation à 14 ans de prison.

L’ex-chef de l’Union des patriotes congolais (UPC) avait été reconnu coupable en 2012 d’avoir enrôlé des enfants, dont certains à peine âgés de onze ans, et de les avoir utilisés comme soldats ou gardes du corps en 2002 et 2003 en Ituri, dans le nord-est de ce pays d’Afrique centrale.

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La Cour basée à La Haye avait aussi jugé qu’il devait payer « personnellement » des indemnisations à ceux qui ont souffert sous sa coupe.

« Bouc émissaire ? »

Car une quinzaine d’années plus tard, ces jeunes qui ont lâché les armes, qu’on leur avait fait prendre de force, restent stigmatisés, éprouvent des sentiments suicidaires et vivent dans une peur constante, avaient souligné des experts en audience l’année dernière.

De retour chez elles, souvent avec un enfant issu des viols qu’elles ont subis, de nombreuses filles sont rejetées par leurs familles et communautés, après avoir déserté les rangs des milices. Jugées indignes du mariage, elles sont condamnées à vivre dans la pauvreté et l’isolement.

Le problème n’était pas « d’apprendre à coudre, à gagner leur vie, mais leurs voisins, familles, anciens amis qui ne leur parlaient pas », remarque Sandra Olsson, chargée de projet pour Child Soldiers International.

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Et la plupart d’entre elles souhaitent avant tout « retourner à l’école », avait rapporté l’avocat de l’ONG, James Mehigan, pour « apprendre et gagner à nouveau le respect de leur communauté ».

Une excuse publique de Lubanga, qui n’a jamais reconnu aucune responsabilité, serait un pas vers leur réintégration, assure encore Sandra Olsson.

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Cela signifierait « que les auteurs assument » leurs crimes, explique-t-elle, évoquant « l’énorme culpabilité dont souffrent ces filles pour ce qu’elles ont été forcées à faire ».

Mais pour la défense, l’auteur de ces enrôlements, qui purge la fin de sa peine dans une prison congolaise et devrait être libéré d’ici 2020, ne doit pas payer.

« On ferait alors de Thomas Lubanga le bouc émissaire du phénomène des enfants-soldats en Ituri », existant depuis la fin des années 1990, avait déclaré son avocat, Jean-Marie Biju-Duval.

Décider de leur vie

« Il y a des préjudices qu’on ne peut pas calculer. Comment calcule-t-on une jeunesse perdue ? Est-ce que cela vaut un million ? Un demi-million, 100.000 euros, 10.000 euros, mille euros ? », avait questionné à son tour le représentant des victimes, Luc Walleyn.

La Cour doit également établir vendredi le nombre de personnes pouvant prétendre à des réparations.

Le Fonds au profit des victimes, qui a estimé à 3.000 leur nombre, directes et indirectes, a déjà alloué un million d’euros au dossier et propose un plan d’action de trois ans visant à « réconcilier les victimes avec leurs familles et les communautés affectées ».

Cet organe indépendant mis en place par le Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, reçoit des contributions volontaires versées par les gouvernements membres de la CPI, d’organisations internationales et de particuliers.

Il s’agit là de la troisième ordonnance de réparations rendue par la Cour de La Haye.

En août, la CPI a déclaré qu’un jihadiste malien avait provoqué pour 2,7 millions d’euros de dégâts en faisant détruire en 2012 des mausolées de la cité historique de Tombouctou.

Et en mars, elle avait attribué 250 dollars « symboliques » à chacune des 297 victimes d’un ancien chef de milice congolais, Germain Katanga, condamné en 2014 à douze années de détention.

Mais à quel point les réparations collectives sont-elles efficaces ?, s’interroge Liesbeth Zegveld, directrice du Centre de réparations de guerre à l’Université d’Amsterdam.

« Si vous regardez les requérants, presque tous cherchent des réparations individuelles », remarque la juriste.

Parce qu’ »au bout du compte, c’est cela qui va les valoriser. Ils peuvent décider de leur vie, plutôt que d’être dépendants d’un quelconque décideur. »

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