Sénégal : à peine inauguré, l’AIBD déjà paralysé

Le nouvel Aéroport international Blaise-Diagne (AIBD) est paralysé depuis le 14 décembre au soir, suite une grève des contrôleurs aériens sénégalais qui réclament de meilleures conditions de travail et des formations en matière de sécurité aérienne.

Sur le tarmac de l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD). © Sylvain Cherkaoui/Cosmos pour Jeune Afrique

Sur le tarmac de l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD). © Sylvain Cherkaoui/Cosmos pour Jeune Afrique

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Publié le 15 décembre 2017 Lecture : 4 minutes.

Le préavis courait depuis le 22 novembre, et c’est dans la nuit du 14 au 15 décembre que les aiguilleurs du ciel sont passés à l’action. Une semaine à peine après son inauguration, l’Aéroport international Blaise-Diagne (AIBD), situé dans la banlieue de Dakar, a enregistré de nouveaux couacs, après ceux touchant à l’activité fret, avec la grève d’une journée renouvelable déclenchée par ses contrôleurs aériens.

Depuis jeudi soir, aucun aéronef n’a décollé ni atterri sur le tarmac flambant neuf d’AIBD. Cependant, un service minimum reste assuré : les évacuations sanitaires, les vols militaires sécuritaires et présidentiels, ainsi que ceux en partance pour Banjul, en Gambie, et Bissau, en Guinée, ne sont pas touchés.

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Des aiguilleurs non formés

Selon Mame Alioune Sène, le président de l’Association des contrôleurs aériens du Sénégal, les aiguilleurs du ciel d’AIBD n’ont jusqu’ici pas été formés au maniement des équipements de dernière génération installés dans la tour de contrôle de 50 mètres de hauteur de l’aéroport, ce qui pose de réels problèmes de sécurité de la navigation aérienne dans cet espace.

« Nous n’avons pas eu le temps nécessaire d’être correctement formés à ce nouveau matériel. Nous sommes tout simplement en train de nous débrouiller pour assurer la sécurité des avions. Ce nouvel aéroport est un vrai bijou de plus de 400 milliards de FCFA, le minimum est que l’on mette les contrôleurs aériens dans d’excellentes conditions de travail », explique-t-il à Jeune Afrique.

Des arguments que réfute Mathiaco Bessane, directeur des transports aériens au ministère du même nom : « L’Asecna a été associée au projet depuis le début, et elle a garanti à l’État du Sénégal que toutes les dispositions avaient  été prises  pour un  service de contrôle correct à tous les avions ! ». Ce dernier assure en outre que « pour des raisons d’indemnités, les contrôleurs ont refusé, pendant plus d’une semaine, d’aller suivre la dernière partie de leur formation à AIBD. »

Alors, surenchère opportuniste ? « Pas du tout ! », réfute  Mame Alioune Sène selon qui la sécurité aérienne prime sur toutes autres considérations. « Rappelez-vous l’avion de Sénégalair qui s’était abîmé en mer il y a deux ans et qui n’a toujours pas été retrouvé. Nous avions, à l’époque, écrit à plusieurs reprises aux autorités pour les alerter sur l’état de l’appareil qui ne remplissait plus les conditions pour voler. En vain ! »

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Revendications sur les transports

Les contrôleurs aériens de Diass réclament en outre des logements d’astreinte – en cours de construction – et des moyens de transport « de qualité », le nouvel aéroport étant distant d’une quarantaine de kilomètres de la capitale, Dakar, alors que l’ ancien aéroport Léopold-Sédar-Senghor (LSS) était situé dans la ville même, sur la commune de Yoff.

« Les moyens de transport dont nous disposons à ce moment ne sont pas adéquats, déplore Mame Aliou Sène. Vous ne pouvez pas mettre des contrôleurs dans un véhicule qui fait le tour de Dakar, car nous arrivons fatigués à la tour de contrôle. En outre, nous ne disposons encore de ni de local de repos ni de restaurant. »

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Selon Mathiaco Bessane, ces points ont été au cœur des discussions entre le ministre et l’Association des contrôleurs aériens, dont les membres ont demandé des véhicules individuels pour pouvoir rejoindre l’AIBD. « Faute d’accord
immédiat, ce point fera l’objet d’une nouvelle discussion à partir de janvier 2018. », indique-t-il, avant d’indiquer un autre point clé des discussions, celui de la revalorisation de leur indemnité supplémentaire de sécurité aérienne, payée par l’État du Sénégal et qui s’élève à 200 000 F CFA. Elle devrait être revalorisée de 50 000 F CFA, à partir de janvier 2018, au regard des nouvelles difficultés survenues et liées au changement d’environnement de ces agents.

Le Sénégal compte actuellement moins de 70 contrôleurs aériens, d’après le président de l’Association des contrôleurs aériens, qui précise que 20 autres ont été formés afin d’officier à la tour de Diass, mais ne sont pas encore opérationnels.

Le reste opère au sein du centre régional de la navigation aérienne situé au sein de LSS, et gère les aéronefs qui sont en route et dans l’espace océanique et terrestre regroupant les territoires aériens sénégalais, gambien, ainsi qu’une partie de la Guinée-Bissau, du Mali. Ce qui est loin d’être suffisant, assure-t-il. « Selon les ratios de l’Asecna, il faut 102 contrôleurs au Sénégal afin de pouvoir assurer correctement la sécurité de la navigation de la zone, contre 66 à ce moment. »

Répercussions à Casablanca

La RAM, qui effectue depuis décembre 2015 trois vols quotidiens entre Dakar et Casablanca et assurait à elle seule 23 % du trafic de l’ancien aéroport LSS, est particulièrement affectée par ce mouvement social. Jeudi 14 décembre, le dernier vol de la compagnie marocaine à destination de Dakar a été annulé, tout comme  les trois vols RAM quotidiens prévus pour le 15 décembre.

La compagnie assure avoir pris  toutes les dispositions vis-à-vis de sa clientèle : report des vols sans pénalités ou remboursement des billets pour les voyageurs qui le désirent, mais se refuse à communiquer sur le manque à gagner que cela représente.

Mise à jour : Le trafic a repris sur l’aéroport sénégalais dans la nuit du 15 au 16 décembre, après vingt-quatre heures de grève, suite à des négociations entre l’Association des contrôleurs aériens et le Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne.

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