Israël et les autres…

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  • Béchir Ben Yahmed

    Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.

Publié le 26 juin 2014 Lecture : 5 minutes.

Berceau des trois grandes religions censées favoriser la paix et la fraternité entre les hommes, le Moyen-Orient s’embrase une fois de plus. La violence y est extrême, mais le pire est peut-être à venir.

Les pays arabes de la région s’enfoncent dans une logique de guerre et de désordre, et l’on voit les plus riches et les plus réactionnaires d’entre eux, wahhabites d’Arabie saoudite et néo-wahhabites du Qatar, s’arroger un droit d’ingérence dans les affaires intérieures de leurs voisins, apportant un soutien de moins en moins discret aux islamistes et jihadistes de la pire espèce.

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Le spectacle que les pays arabes donnent à leurs citoyens et au monde est affligeant.

*

Hier, c’était un président syrien, son gouvernement et son armée qui, sans état d’âme, pilonnaient leur pays et une partie de la population.

Aujourd’hui, c’est un Premier ministre irakien et son gouvernement qui, faute de pouvoir le faire eux-mêmes, demandent aux États-Unis de bombarder leur pays et une partie de leurs concitoyens, entrés en rébellion armée contre un pouvoir sectaire qui leur a fait subir moult discriminations.

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Qui peut ramener un peu d’ordre dans la région ? Tous les yeux se tournent vers les États-Unis : "L’Amérique n’a d’autre choix que d’intervenir pour sortir l’Irak de la crise qui le secoue. Faute de quoi, ce qu’elle a mis en place et sa crédibilité dans la région seront réduits à néant. Les États-Unis ont pour obligation d’extirper l’extrémisme islamiste des zones où il sévit."

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Sans doute, mais pas seuls et pas seulement avec leurs alliés de l’Otan. Pas sans l’Iran, la Russie et la Chine ; pas sans les Nations unies.

Car c’est l’Amérique qui, pour être intervenue en 2003 en dehors de la légalité internationale, a introduit dans la région les germes du désordre.

*

Beaucoup estiment que les États-Unis n’ont plus guère d’influence au Moyen-Orient, que leurs alliés se sont émancipés et prennent désormais leurs décisions sans tenir compte de ce qu’en pense Washington.

Je suis d’un avis opposé.

Les États-Unis sont en train de renouer avec le seul adversaire de taille qu’ils avaient dans la région, l’Iran, et tiennent tous les dirigeants des pays arabes, Égypte, Arabie saoudite et Qatar inclus, sous leur coupe.

Leur seul allié de la région qui leur pose problème est Israël : sous la férule de ses actuels dirigeants de droite, il donne de plus en plus de signes de défiance à l’égard de l’ordre américain.

Nous saurons dans les prochains mois si les États-Unis auront réussi l’exploit de renouer avec l’Iran sans perdre Israël.

*

Érigé en forteresse armée jusqu’aux dents, l’État hébreu se voit comme un îlot de stabilité et de paix au centre d’une région en flammes.

Au fil des années, il a vu disparaître les armées arabes qui pouvaient menacer sa sécurité (Égypte et Jordanie à la faveur de traités de paix ; Irak et Syrie via l’intervention des États-Unis ou la guerre civile).

Au lieu de se contracter, son armée, Tsahal, se développe et se modernise, s’équipe et voit son budget annuel augmenter d’année en année pour frôler, en 2014, la barre des 18 milliards de dollars, soit 7 % environ du PIB.

Un commentateur israélien en est arrivé à écrire qu’"Israël est une armée dotée d’un pays".

L’armée égyptienne étant trop engagée dans la politique et l’économie pour être encore une force militaire, il n’y a plus d’armée arabe digne de ce nom face à Israël.

Pour l’ensemble du Moyen-Orient, il n’y a plus que la Turquie et l’Iran qui puissent désormais rivaliser avec l’État hébreu sur le plan militaire.

S’agissant de ce dernier pays, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a prévenu les Euro-Américains que tout accord qu’ils pourraient signer avec l’Iran sera "un mauvais accord".

Son objectif à lui est "d’empêcher l’Iran non seulement de construire des armes nucléaires mais d’en avoir la capacité à terme". Ses exigences sont draconiennes : "L’Iran doit détruire son réacteur, ses stocks, ses centrifugeuses et toute capacité d’enrichir de l’uranium. Il devra même livrer ses archives nucléaires."

>> À lire aussi : Netanyahou n’exclut pas un frappe préventive contre le nucléaire iranien

En un mot comme en mille, le Premier ministre israélien veut que l’Iran signe un acte de capitulation, sans guerre si possible. Ou bien au terme d’une guerre.

Cette ligne conduit tout droit à un conflit armé entre l’Iran et Israël.

Les États-Unis ont-ils la possibilité de l’empêcher ?

*

Le Parlement israélien vient d’élire le dixième président d’Israël et, dans un mois, Reuven Rivlin succédera pour sept ans à Shimon Peres. Alors que ce dernier se battait pour la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël, son successeur s’y oppose carrément.

"Rivlin ne sera pas président de l’État d’Israël : il sera le président du Grand Israël, écrit Ari Shavit dans Haaretz.

Il utilisera l’institution présidentielle pour faire avancer la colonisation de la Cisjordanie et la solution d’un seul État, deux idées qu’il vénère et soutient. Natif de Jérusalem, fidèle à ses convictions, il n’hésitera donc pas à s’exprimer et à agir pour faire échouer toute tentative visant à créer un État palestinien.

Rivlin président, c’est un désastre assuré. Le simple fait d’élire un partisan du Grand Israël causera de lourds dégâts diplomatiques à l’État hébreu."

Désormais, les principaux dirigeants d’Israël sont contre un État palestinien et contre tout accord avec les Arabes.

Et ils viennent de marquer leur ferme opposition à tout gouvernement palestinien d’Union nationale, dès lors qu’il serait soutenu par le Hamas.

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L’Israël de 2014 ne veut donc pas d’un Iran sorti de "l’axe du mal", et intronisé comme l’un des "cinq grands" du Moyen-Orient.

Il ne veut pas non plus d’un État palestinien autonome aux côtés d’Israël dans des frontières (celles de 1967 ou à peu près) sûres et reconnues.

Et encore moins coopérer avec les Palestiniens, les Arabes et les Euro-Américains pour faire sortir le Hamas de son isolement et de sa radicalité.

Et l’Israël de 2014 pense qu’il appartient à "tous les autres" de le rejoindre dans sa propre radicalité.

Parviendra-t-il à leur faire faire des pas dans sa direction ? C’est l’enjeu des prochains mois…

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