Tunisie : l’inquiétante élection du blogueur Yassine Ayari au sein de l’Assemblée

Le sulfureux blogueur, proche de l’islamisme radical, est désormais député de la circonscription d’Allemagne. Une élection qui suscite de nombreuses interrogations.

Le blogueur Yassine Ayari a été élu  député à l’Assemblée nationale au titre de la circonscription d’Allemagne en 2017. © YouTube/ TNN Tunisia News Network

Le blogueur Yassine Ayari a été élu député à l’Assemblée nationale au titre de la circonscription d’Allemagne en 2017. © YouTube/ TNN Tunisia News Network

Publié le 18 décembre 2017 Lecture : 2 minutes.

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Nommé secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères chargé de la diplomatie économique en septembre 2017, le député Hatem Ferjani, élu sur la circonscription d’Allemagne, avait quitté son siège à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). Des élections législatives partielles ont été organisées les 15, 16 et 17 décembre sur cette circonscription pour pallier à cette vacance. Mais ni le parti Nidaa Tounes, dont il est issu, ni le Chef du gouvernement, Youssef Chahed, n’ont prévu que ce scrutin allait ouvrir une boîte de Pandore avec l’élection surprise d’un candidat proche de l’islamisme radical à la circonscription d’Allemagne.

Yassine Ayari, blogueur et activiste qui ne cache pas sa sympathie pour les mouvements islamistes radicaux, dont Daesh — il a d’ailleurs brandi sur les réseaux sociaux le drapeau de cette organisation terroriste —, a remporté l’élection avec 263 voix contre 246 pour le candidat de Nidaa Tounes.

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À trois mois des municipales, reportées par quatre fois et prévues fin avril, et à deux ans des prochaines législatives et présidentielle, cette partielle portant sur un seul siège ne change rien à la configuration de l’hémicycle, ni aux équilibres politiques entre partis. Celle-ci était un test sur l’électorat et l’audience des partis. Le résultat est un camouflet inattendu pour Nidaa Tounes et Ennahdha, son soutien de campagne.

Un parcours sulfureux

Une revanche pour ce cyberactiviste et ingénieur informatique de 35 ans, connu pour ses multiples provocations à l’égard du pouvoir et qui avait échoué à remporter la Constituante de 2011. Lors du soulèvement de 2011, il s’était illustré en assurant que le général Rachid Ammar, chef d’état-major, avait « dit non à l’ordre de Ben Ali de tirer sur la foule », alors qu’il n’en était rien.

Proche de l’ancien président de la République, Moncef Marzouki, Yassine Ayari, fils d’un colonel de l’armée, tué en mai 2011 dans des affrontements avec un groupe de jihadistes, s’est aussi distingué par des prises de positions radicales, notamment vis-à-vis de l’armée, qu’il critiquait violemment dans des statuts Facebook. Celles-ci lui ont valu, en 2015, une peine de 3 ans de prison, ramenée à 6 mois en seconde instance pour « diffamation et atteinte à l’armée ».

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Le spectre de l’abstention 

Mais le vrai vainqueur de cette élection est l’abstention. Sur 26 438 Tunisiens inscrits sur les listes électorales en Allemagne, seuls 1 325 se sont présentés aux urnes, soit un taux de participation de 5,02%, pour une opération ayant coûté 500 000 dinars à l’État tunisien pour l’organisation. Ces chiffres sonnent comme une alarme pour les élections à venir, reflétant le rejet de la politique par les Tunisiens et invitant les partis à se remettre en question, ou du moins à tenter de séduire les 70% du corps électoral qui comptent bouder les municipales, selon un sondage de Sigma Conseil d’octobre 2017.

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Ces résultats invitent également les formations à resserrer les rangs : avec 26 candidats pour cette élection en Allemagne, cela semblait beaucoup trop pour un unique siège de député. Contrairement à tous les pronostics, Nidaa Tounes a perdu plus qu’une élection partielle : le parti, critiqué pour son alliance avec Ennahdha, fait face à une baisse de popularité selon les observateurs politiques. En témoigne l’élection de Yassine Ayari, qui a bénéficié de voix islamistes malgré l’engagement d’Ennahdha aux côtés de Nidaa Tounes.

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