Espagne : drôle de job que celui de roi !

Après l’abdication de son père, le roi Juan Carlos, Felipe VI a été intronisé par le Parlement le 19 juin. Il hérite d’une situation politico-économique gravement dégradée.

Felipe VI avec Letizia, son épouse, le 9 juin au palais royal de Madrid. © Daniel Ochoa de Olza/AP/Sipa

Felipe VI avec Letizia, son épouse, le 9 juin au palais royal de Madrid. © Daniel Ochoa de Olza/AP/Sipa

Publié le 21 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

Dans la matinée du 2 juin, quelques heures après l’annonce par le roi Juan Carlos de son abdication en faveur de Felipe, son fils (46 ans), les irréductibles républicains descendent dans la rue. Pour réclamer la tenue d’un référendum pour ou contre la monarchie. "En quoi serait-ce un problème de donner aux Espagnols le droit de décider de leur avenir ?" a feint de s’interroger Pablo Iglesias, chef de file de Podemos.

Depuis les élections européennes du 25 mai, ce parti issu du mouvement des Indignés est carrément devenu la quatrième force politique du pays. Le 14 juin, de concert avec Izquierda Unida (la gauche unie), Podemos a même organisé sur ce thème un simulacre de consultation à Madrid…

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La Constitution n’interdit pas ce type de consultation, mais les partis de gouvernement, qu’il s’agisse du Parti populaire (PP, droite au pouvoir) ou du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), ne veulent pas en entendre parler. L’un et l’autre apportent un soutien sans faille à la monarchie. Le 11 juin, le Congrès des députés et le Sénat, où PP et PSOE détiennent 80 % des sièges, ont donc voté sans coup férir la loi d’abdication.

Felipe VI, qui prêtera serment devant les Cortes Generales (Parlement) le 19 juin, ne veut surtout pas prendre le risque de consulter ses sujets. Il sait fort bien que les scandales dans lesquels plusieurs membres de la famille royale se sont trouvés impliqués ces dernières années – de la chasse à l’éléphant controversée du roi son père au Botswana au procès pour corruption d’Iñaki Urdangarin, son beau-frère – se sont ajoutés aux conséquences de la crise économique pour affecter négativement l’image de la monarchie.

La majorité des spécialistes a longtemps cru que les Espagnols étaient plus "juancarlistes" que monarchistes. Apparemment, ils se sont trompés. La cote de sympathie dont bénéficie Felipe reste haute : 73 % de ses compatriotes sont convaincus qu’il sera un bon roi. Et 49 % préfèrent une monarchie avec le fils de Juan Carlos à sa tête à l’instauration de la république (36 %). "La monarchie parlementaire est un système démocratique qui nous a permis de connaître quarante ans de stabilité et de liberté, ce qui n’aurait sans doute pas été le cas avec un autre régime", analyse María del Carmen Iglesias, une universitaire madrilène.

Le drapeau indépendantiste catalan était partout

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Felipe VI hérite pourtant d’une situation politique bien plus complexe que celle qu’avait connue son père il y a trente-neuf ans. Secouée par les revendications indépendantistes, l’Espagne décentralisée semble au bord de l’éclatement. Parmi les régions autonomes saisies par la tentation indépendantiste, il y a le Pays basque, bien sûr, où elle ne faiblit pas mais s’exprime de manière sans doute moins violente que par le passé, mais aussi, et surtout, la Catalogne.

Début juin, lors des manifestations républicaines de Barcelone, l’Estelada ("l’Étoilée"), le drapeau indépendantiste catalan, était partout visible. Et le 9 novembre prochain, bien que la Constitution l’interdise, les nationalistes ont prévu d’organiser un référendum d’autodétermination.

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"L’indépendance de la Catalogne est un défi pour tout le pays, pas seulement pour le nouveau roi, décrypte le journaliste José Apezarena, spécialiste de la maison royale. Mais Felipe est très proche de cette région, où il se rend très régulièrement et où il compte de nombreuses relations dans les milieux d’affaires. Il va sans nul doute chercher à se rapprocher des Catalans, dont il parle d’ailleurs parfaitement la langue." Les partis indépendantistes se sont certes sensiblement renforcés lors des élections européennes.

Et la CiU, la coalition nationaliste au pouvoir à la Generalitat de Catalogne, s’est abstenue lors du vote d’investiture du nouveau roi. Mais les partis qui la composent restent peu représentés au Parlement, à Madrid. Felipe VI s’est pour sa part engagé à "servir tous les Espagnols".

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