France : faire des économies, mission impossible ?

Enfin, ça dépend pour qui. Car plusieurs pays au bord de la faillite ont réussi à s’en sortir grâce à des réformes structurelles qui leur ont permis de renouer avec la croissance. Parmi eux, le Canada.

Manifestation de retraités à Paris, le 3 juin. © MARTIN BUREAU / AFP

Manifestation de retraités à Paris, le 3 juin. © MARTIN BUREAU / AFP

Publié le 20 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

"Arrêtez les rustines !" s’exclame en vain Michel Rocard dans son livre La gauche n’a plus droit à l’erreur. C’est raté pour le prochain budget. Les économies supplémentaires consisteront une nouvelle fois à racler quelques fonds de tiroir et à serrer quelques boulons oubliés lors des derniers "ajustements".

L’ancien Premier ministre socialiste, comme l’Union européenne, se désole que la France n’ait toujours pas le courage de s’attaquer aux vraies réformes : celles qui ne se contentent pas de raboter les dépenses mais s’attaquent aux causes profondes qui les engendrent et les perpétuent. Ces fameuses réformes justement nommées "structurelles" parce qu’elles impliquent la remise à plat de tout l’État. D’autres pays l’ont fait, car la France n’est pas seule à avoir vécu pendant des générations au-dessus de ses moyens. Ils en ont été récompensés par un début prometteur de retour à la croissance. Parmi eux, le Canada.

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Il revient de loin. En 1993-1994, le remboursement de sa dette après vingt-deux années de déficits budgétaires absorbait 35 % de l’ensemble de ses revenus. Wall Street prophétisait la faillite du pays, et certains appelaient le FMI à la rescousse. Aujourd’hui, le Canada prévoit de retrouver l’équilibre en 2015, grâce notamment à la réduction de 15 % du nombre des fonctionnaires, facilitée, il est vrai, par des primes de départ qui ont coûté cher (4 milliards de dollars canadiens, soit 2,7 milliards d’euros) mais rapporté plus gros encore. Le Canada bénéficie d’un taux de croissance de 2 %, l’un des plus élevés du G7. Le chômage a reculé de 9 % à 7,6 % sans qu’il ait été nécessaire de financer un plan de relance.

Il n’y a pas de miracle canadien, il n’y a qu’un ensemble de volontés et de méthodes.

Il n’y a pas de miracle canadien, il n’y a qu’un ensemble de volontés et de méthodes. Pour mieux identifier les priorités et éviter les rabotages tant critiqués par les indignés du Parti socialiste (PS) français, chaque ministère a dû passer au crible ses activités à partir de six questions. Ces programmes servent-ils encore l’intérêt public ? Sont-ils légitimes et indispensables ? Si oui, doivent-ils être appliqués seuls ou en partenariat avec le secteur privé ? Doit-on les restructurer pour qu’ils soient plus efficaces ? Et dernière question, qui résume les autres : l’État en a-t-il les moyens ?

Réduction générale des impôts : un "dividende citoyen"

Cependant, les dirigeants canadiens se gardent de tout triomphalisme. C’est à l’effort de toute la nation qu’ils attribuent une réussite récompensée par l’abolition de 100 milliards de taxes, dont une réduction générale des impôts, légitimement présentée comme un "dividende citoyen". Un expert parmi les plus compétents, "l’honorable" Jocelyne Bourgon, est venu l’expliquer au groupe d’amitié sénatorial France-Canada : trois conditions ont permis ce happy end assez rare en politique.

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1. Discipline, cohérence et volonté d’agir des gouvernements pour "tenir le cap" pendant plusieurs années. 2. Soutien de l’opinion éclairée et préparée par un incessant débat public. 3. Recherche d’un "vaste consensus social" au nom de la protection des générations futures.

C’est peu dire que ces préalables sont loin d’être réunis, et même simplement envisageables, en France, où la situation est à l’opposé : un pouvoir au plus bas de la popularité ; une opinion au plus haut du mécontentement après des années de promesses irréalistes (ni rigueur ni austérité) ; des présumés "partenaires" sociaux rebelles aux consensus. Et c’est pourquoi le plus difficile est à venir.

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Comme le Premier ministre, Manuel Valls, le reconnaît avec lucidité : "les Français attendent de l’État plus de présence et de protection", alors que Bruxelles somme le gouvernement français de couper "drastiquement" dans ses dépenses. Ouvrez un dictionnaire et vous aurez tout compris : "drastique" se dit d’un "purgatif énergique" !

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