Irak : Abou Bakr al-Baghdadi, l’émir invisible de l’EIIL
Après Fallouja et Ramadi, ses jihadistes ont pris Mossoul et Tikrit. Ennemi juré des chiites, l’émir de l’État islamique d’Irak et du Levant rêve de voir flotter son drapeau noir sur Bagdad… et sur le monde.
La conquête a été fulgurante. Et l’offensive semble irrésistible. Après s’être emparé de Fallouja et Ramadi (centre du pays) en janvier, Abou Bakr al-Baghdadi, le violent émir de l’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL), a lancé ses hommes sur Mossoul et Tikrit, conquérant, les 10 et 11 juin, ces deux importantes villes du Nord.
Rompus à la guérilla urbaine, les quelque huit cents combattants de cette formation dissidente d’Al-Qaïda ont fondu sur les troupes au moins dix fois plus nombreuses qui assuraient la défense de Mossoul, la deuxième ville d’Irak. Pris par surprise, policiers et militaires se sont débandés, abandonnant un formidable arsenal et 400 millions de dollars (près de 300 millions d’euros) stockés à la banque centrale de la ville. Paniqués par l’irruption de ces hordes, des centaines de milliers d’habitants ont fui. Mais nombreux aussi ont été ceux qui, comme à Fallouja et à Ramadi, ont accueilli les takfiristes ("excommunicateurs") en libérateurs.
Car, aussi brutal qu’habile à manipuler les réseaux tribaux et confessionnels, Baghdadi est le héros de beaucoup de sunnites, qui constituent une importante minorité en Irak, humiliée par le tout-puissant Premier ministre chiite Nouri al-Maliki, comme sa communauté l’avait été sous le sunnite Saddam Hussein. Selon des témoins, il aurait reçu le concours d’officiers de l’ancien régime, et des portraits du dictateur pendu en 2006 auraient été dressés aux abords de Mossoul avec le drapeau noir de l’EIIL.
Aux enchères de la terreur, le FBI avait mis sa tête à prix pour 10 millions de dollars.
"Si l’on veut voir dans le problème irakien une contestation uniquement jihadiste, on se trompe. Le jihad et la violence dureront tant que dureront les discriminations contre les sunnites", explique Dominique Thomas, spécialiste des mouvements islamistes.
Il se terre depuis 2012 en Syrie
Les jihadistes sont désormais à moins de 100 km de Bagdad. Abou Bakr al-Baghdadi, qui a adopté comme prénom de guerre sainte celui du premier successeur du Prophète, se voit-il bientôt calife d’un empire islamique restauré ? Car son domaine s’étend aussi en Syrie, où il se terre depuis 2012. Bagdad et Damas tremblent. Washington s’apprête à envoyer des drones à sa recherche.
Aux enchères de la terreur, le FBI avait mis sa tête à prix pour 10 millions de dollars. C’est 15 millions de moins qu’Ayman al-Zawahiri, le numéro un d’Al-Qaïda, et, pourtant, l’Irakien règne sur un territoire et des effectifs bien plus importants que ceux d’Al-Qaïda au faîte de sa puissance.
Il n’en reste pas moins invisible. "Depuis la mort de Zarqaoui, le fondateur de l’État islamique d’Irak tué par les Américains en 2006, et celle d’Abou Omar al-Baghdadi, le prédécesseur d’Abou Bakr exécuté en 2010, les chefs jihadistes de la région vivent dans une atmosphère de paranoïa", précise Dominique Thomas.
On ne sait que peu de chose sur le nouvel émir. Né en 1971 et membre du puissant clan des Samarraï, il a étudié la théologie avant d’entrer en résistance contre les Américains, en 2004. Sa formation religieuse lui confère une aura idéologique qui faisait défaut à ses prédécesseurs.
Bien qu’en termes exécrables avec Zawahiri, il a reçu les félicitations des franchises d’Al-Qaïda au Yémen, dans le Sinaï et au Sahel. Et séduit désormais bien au-delà des frontières régionales : lors de son arrestation, n’a-t-on pas trouvé dans les bagages de Mehdi Nemmouche, le tueur français du musée juif de Bruxelles, formé un an au jihad en Syrie, un drap blanc portant en arabe le nom de son mouvement ?
>> Lire aussi : Les jihadistes s’approchent de Bagdad, Washinton envisage des frappes
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