À propos d’un « sommet »

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  • Béchir Ben Yahmed

    Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.

Publié le 19 juin 2014 Lecture : 5 minutes.

À la fin de ce mois, du 20 au 27 juin, se tiendra à Malabo le 23e sommet de l’Union africaine. La plupart des chefs d’État (ou de gouvernement) des cinquante-quatre pays membres qui se retrouveront dans la capitale de la Guinée équatoriale oublieront les thèmes inscrits à l’ordre du jour (les thèmes centraux de ce 23è sommet sont l’agriculture et la sécurité alimentaire) pour s’occuper de ce que l’actualité leur imposera.

Le continent a des problèmes qu’il faudra traiter ou passer en revue ; il fait partie d’un monde dans lequel s’inscrivent des évolutions dont nous devons tenir compte.

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Je voudrais aborder ici les sujets qui, discutés ou non, seront dans la tête de nos dirigeants.

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1) L’actuelle présidente de la Commission de l’Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, a été élue à cette fonction le 15 juillet 2012 ; son investiture pour un (premier) mandat de quatre ans a eu lieu le 15 octobre.

Elle est donc à mi-mandat, et c’est la première fois qu’une citoyenne du pays le plus puissant du continent exerce une fonction qui en fait le "patron" de l’Union.

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Au bout de deux ans, quel bilan pouvons-nous tirer de son action ?

Comment se comporte Nkosazana Dlamini-Zuma en comparaison de ses deux prédécesseurs, le Malien Alpha Oumar Konaré (de septembre 2003 à avril 2008) et le Gabonais Jean Ping (d’avril 2008 à octobre 2012) ?

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Le fait qu’elle ne vienne pas d’un pays moyen ou petit se révèle-t-il, à l’expérience, positif ou négatif ?

Est-il de l’intérêt de l’Union d’accorder à Nkosazana Dlamini-Zuma, en 2016, si elle et son pays le souhaitent, un deuxième mandat de quatre ans ? Ou bien faudrait-il songer, dès maintenant, à lui trouver un successeur, citoyen d’un pays dont le poids serait moins écrasant ?

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2) Le 3 juillet 2013, "à l’appel du peuple", le général Abdel Fattah al-Sissi a destitué l’islamiste Mohamed Morsi, dont les Égyptiens avaient fait, une année auparavant, par erreur, leur "président élu".

Ce général a été élevé à la dignité de maréchal en janvier 2014, puis porté à leur tête par les Égyptiens : depuis le 8 juin, il est leur nouveau président élu (avec deux fois plus de voix que n’en avait recueilli Mohamed Morsi !).

>> À lire aussi : le nouveau gouvernement dd’Abdel Fattah al-Sissi a prêté serment au Caire

L’Union africaine, qui avait suspendu l’Égypte, va-t-elle réintégrer celle-ci et accueillir "le tombeur" d’un président élu ?

Sans doute, mais quand et dans quels termes ?

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3) On l’a un peu oublié parce que cela remonte à trente ans, mais le Maroc a quitté l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en 1984 et ne fait donc pas partie de l’Union africaine.

Il a claqué la porte pour protester contre l’admission, en 1982, de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), qui, elle, est toujours membre de l’Union, en dépit de sa situation très particulière.

Le Maroc est l’un des membres fondateurs de l’OUA et pèse lourd en Afrique : avec plus de 33 millions d’habitants, il est le 11e pays africain par la population ; son PIB (96 milliards de dollars, soit près de 71 milliards d’euros) est le 6e du continent et son revenu par habitant (3 000 dollars par an) le place au 13e rang.

Sans plus tarder, l’Union africaine et ses membres les plus importants devraient se saisir de cette anomalie et chercher le moyen de la corriger.

Le Maroc et l’Algérie devraient s’y "coller" de concert ; les puissances amies du continent gagneraient à prêter leur concours à l’entreprise.

Imagine-t-on l’Union européenne sans l’Italie ?

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4) Les Africains ont tout intérêt à utiliser le sommet de Malabo pour accorder leurs violons et s’entendre, si possible, sur le candidat qu’ils soutiendront en novembre prochain à Dakar lors de l’élection du secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Le titulaire du poste depuis douze ans, le président Abdou Diouf, ne se représente pas et n’envisage même pas d’accepter une prorogation. Mais comme il a donné à la fonction un grand lustre, elle est désormais convoitée par les principaux pays membres, y compris la France et le Canada.

Ce dernier pays fait déjà campagne pour sa candidate, Michaëlle Jean (56 ans, d’origine haïtienne).

S’ils arrivent à la réunion de Dakar avec un candidat de consensus et qui soit de qualité, les Africains sont sûrs de conserver le poste ; à l’inverse, ils sont presque assurés de le perdre si leurs voix s’éparpillent entre les trois ou quatre candidats déjà en lice, dont Henri Lopes (Congo-Brazzaville) et Jean-Claude de l’Estrac (Maurice).

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Mais pourquoi ce poste remarquablement tenu depuis douze ans par un Africain compétent, dévoué et prestigieux n’irait-il pas à la candidate du Canada, qui apporterait l’alternance, un changement de génération, un nouveau souffle ?

Les Africains sont certes présents en nombre au sein de la Francophonie et font d’elle un espace riche en diversité. Mais même majoritaire, l’Afrique ne trouvera pas tous les huit ans un Abdou Diouf volontaire et disponible.

C’est dans l’ensemble de ses cinquante-sept pays que la Francophonie doit chercher, périodiquement, celui ou celle qui remplira le mieux la fonction de secrétaire général de l’OIF. Laquelle méritera ainsi l’adjectif d’internationale.

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Les mêmes chefs d’État africains seront, début août, à Washington : le président des États-Unis, Barack Obama, les a conviés ou plutôt convoqués à un autre sommet, américano-africain celui-là.

Il n’est peut-être pas inutile d’attirer leur attention sur ce qui occupe son esprit en ce moment.

Les Euro-Américains, qui, non sans raison, continuent à se penser au centre du monde, sont entrés cette année dans un exceptionnel cycle commémoratif d’événements qui ont marqué leur histoire récente : le centenaire de la Première Guerre "mondiale", le 70e anniversaire du débarquement en Normandie, le 6 juin 1944, le 25e anniversaire de la chute du communisme (soviétique), de la libération de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est, et du triomphe du capitalisme.

Dans cette nouvelle organisation du monde, les Euro-Américains ont – de droit, pensent-ils – leurs zones d’influence ; ils les préservent avec le plus grand soin et cherchent même à les étendre.

Mais ils dénient à la Russie et à la Chine le droit d’en avoir une et vont jusqu’à les encercler, à tisser contre elles, avec ou sans l’Otan, un réseau très serré d’alliances.

La crise ukrainienne est la dernière manifestation de cette politique hégémonique ; en Asie, devenue pour Washington un "pivot", plus on craint la Chine, plus on est l’allié des États-Unis.

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