Patricio Mendez Del Villar (Cirad) : « L’autosuffisance en riz est une question politique »

Les pays africains sont encore loin de l’autosuffisance alimentaire, selon Patricio Mendez Del Villar, chercheur au Cirad.

Séchage traditionnel du riz au Bénin. © Jacques TORREGANO pour Jeune Afrique

Séchage traditionnel du riz au Bénin. © Jacques TORREGANO pour Jeune Afrique

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 22 décembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Depuis la crise de 2008, les gouvernements africains claironnent qu’ils se rapprochent de l’autosuffisance en matière de riz, céréale qui fait partie de l’alimentation africaine au même titre que le maïs, le mil ou le sorgho.

Néanmoins, ceux-ci sont loin du compte, selon Patricio Mendez Del Villar, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

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Jeune Afrique : L’amélioration de la production de riz en Afrique depuis les « émeutes de la faim » de 2008 est-elle une réalité ?

Patricio Mendez Del Villar : Oui, les pays africains ont fait de gros efforts pour produire plus de riz, en offrant à leurs riziculteurs des engrais moins chers, des semences améliorées et des crédits pour faciliter leurs équipements. La production africaine progresse au rythme annuel de 5% par an, avec des pointes comme au Sénégal (+16 % en 2016) ou bien en Côte d’Ivoire, dont la production a triplé depuis la fin de la guerre civile.

L’Afrique peut-elle atteindre l’autosuffisance en matière de riz ?

Actuellement, elle est confrontée à deux problèmes : elle consomme de plus en plus de riz, soit +2,5 % par an et par tête, et sa population croît rapidement. Cela explique que ses importations de riz croissent de 5 % en moyenne, c’est-à-dire dans la même proportion que sa production.

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Le taux de couverture de la production du continent sur sa consommation tourne autour de 55 % à 60 %. En matière de tonnages, le déficit a même tendance à se creuser. Madagascar importe seulement 10 % de sa consommation. Le Mali est proche de l’autosuffisance.

La confiance ne règne pas entre professionnels, les riziculteurs se font donc payer en espèces, ce qui limite les volumes proposés

L’Afrique peut-elle faire mieux ?

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Pour cela, il faut qu’elle sache que, dans les zones où il est possible de faire deux récoltes par an, il est indispensable de créer des capacités de stockage convenable. Dans les zones où il n’y a qu’une seule récolte, c’est une logistique de transport coûteuse qu’il convient de mettre en place. D’autre part, dans certains pays comme le Sénégal, la filière du riz manque de professionnalisme. Les contrats entre les rizeries et les producteurs ne sont pas bien respectés de part et d’autre, en raison de surenchères des prix. La confiance ne règne donc pas entre professionnels et les riziculteurs se font ainsi payer en espèces, ce qui limite les volumes proposés.

Le riz importé du Vietnam ou de Thaïlande ne connaît pas ces difficultés. Sa disponibilité ne dépend pas des pluies. Il arrive toute l’année. Il est moins cher que le riz local et de meilleure qualité. Il y en a désormais sur les marchés pour tous les goûts – depuis les brisures jusqu’au riz parfumé – et pour toutes les bourses. Comment ne pas s’étonner que les consommateurs et les commerçants le préfèrent ?

L’Afrique doit monter en production, en qualité et en quantité, surtout pour créer les emplois agricoles et industriels dont elle a un besoin urgent

Dans ces conditions, faut-il abandonner l’objectif d’autosuffisance ?

L’autosuffisance en riz est une question politique, notamment au Sénégal ou au Nigeria, où les gouvernements l’invoquent de façon récurrente. En fait, il faut dépasser la question de l’autosuffisance en riz et comprendre que l’Afrique doit monter en production, en qualité et en quantité, surtout pour créer les emplois agricoles et industriels dont elle a un besoin urgent, pour préserver son autonomie en cas de hausse des cours mondiaux du riz et pour améliorer ses balances commerciales.

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