Mali – France : Abdoulaye et Ibrahim Doumbia, les deux font l’affaire
Identifier, négocier et acheminer des équipements industriels neufs vers l’Afrique, voilà le pari de ces frères d’origine malienne basés à Thiais, au sud de Paris.
« C’était dans notre ADN, il a juste fallu que cela mûrisse », lance d’emblée Ibrahim Doumbia, un large sourire aux lèvres. Installés côte à côte dans leur bureau flambant neuf à Thiais, entre une égraineuse-décortiqueuse de riz et une pompe à eau à pédale, Abdoulaye, 35 ans, et Ibrahim, 38 ans, retracent avec un enthousiasme communicatif le chemin qui les a menés sur la voie du négoce international, il y a huit ans.
Mise de départ : 10 000 euros pour payer les charges fixes et prospecter. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires de Ricochet International avoisine les 500 000 euros, la société compte une centaine de fournisseurs en Inde, en Indonésie, au Brésil, en Afrique du Sud, en Colombie et en Roumanie. Elle a équipé plus d’une centaine d’entreprises dans vingt-quatre pays, essentiellement au sud du Sahara, mais aussi au Maroc et dans les DOM. « Une coopération Sud-Sud pilotée depuis le Nord », résume Abdoulaye, l’oeil rivé sur ses mails. Le binôme assure de front prospection et base arrière.
À Abdoulaye, le gérant polyglotte, l’essentiel des déplacements et les relations fournisseurs. À Ibrahim, le service clientèle, la communication et la connaissance approfondie des équipements proposés. « On se complète, un peu comme le yin et le yang », plaisante ce dernier. Élancés, l’air juvénile, ces deux gamins émerveillés par la réussite de leur petite entreprise ne se prennent pas franchement au sérieux.
Leur créneau ? La distribution de machines semi-industrielles neuves adaptées aux pays du Sud, compacts résistant à la chaleur, à l’humidité, consommant peu et simples d’utilisation.
Issus d’une fratrie de sept, les deux frères ont investi un créneau inoccupé : la distribution de machines semi-industrielles neuves adaptées aux pays du Sud. Des engins compacts résistant à la chaleur, à l’humidité, consommant peu et simples d’utilisation. Aujourd’hui, leur société couvre des champs aussi variés que la transformation alimentaire, l’agriculture, le BTP ou l’hygiène. Avec comme objectif de favoriser la production et la consommation locales.
« Fabriquer des produits semi-industriels, c’est déjà un progrès », souligne Abdoulaye. « Nous acheminons nous-mêmes depuis la France les équipements fabriqués en Europe », précise Abdoulaye, qui dispose d’un agrément de commissionnaire de transport grâce à son BTS transport et logistique. Un sésame qui lui a permis de créer en 2011 leur propre pôle logistique, Boss Overseas, « de quoi être plus compétitifs en proposant un coût de fret plus bas ».
Décisifs aussi, leurs acquis professionnels, leur réseau et leur double culture. Avant Ricochet, Abdoulaye a enchaîné les expériences chez des transitaires et dans des sociétés de transport maritime. L’occasion de multiplier les contacts, de se frotter aux réalités africaines, de jauger « le flux, le potentiel, le chiffre à faire. C’est ce qui m’a donné envie de travailler avec le continent », reconnaît-il. De son côté, Ibrahim officie comme agent d’exploitation dans des entreprises de transport nationales. « Entre 2001 et 2003, ça bouillonnait : on avait envie de monter notre projet, mais il fallait le cadrer », se souvient Abdoulaye. « On a commencé à se lancer au Mali : l’idée était de louer un camion avec chauffeur, sur des chantiers », explique son frère, qui fera marche arrière un an plus tard, découragé par la gestion des flottes.
De son côté, Abdoulaye profite d’une période de chômage pour peaufiner son idée. Face au besoin criant du continent en équipements et en produits transformés, il décide de se concentrer sur le négoce de machines de transformation. Il monte son dossier, obtient des aides. Reste à nommer sa société, et c’est Ibrahim qui aura l’inspiration : « Ricochet, ça évoque le transfert, le développement. »
Leur double culture, le bouche-à-oreille couplé à la puissance du web expliqueraient en bonne partie leur succès.
Leur réseau, leur relationnel, leur double culture, le bouche-à-oreille couplé à la puissance du web expliqueraient en bonne partie leur succès. « On a été parmi les premiers à proposer de petites pondeuses pour produire des parpaings », se félicite Abdoulaye. Aujourd’hui, ces machines représentent la moitié de leurs ventes. Presses à briques, ensacheuses, fours et autres décortiqueuses…
En Afrique subsaharienne francophone, ils sont les seuls à proposer une telle gamme de produits neufs, vouée à s’étoffer. « On est en permanence en veille, poursuit son frère. Même rentrés chez nous, on continue de chercher. » Impossible de déconnecter, pour ces deux pères de famille. « Dès qu’on repère un produit, on téléphone, on l’étudie pour voir s’il est adapté, on fait le déplacement si nécessaire. Car au-delà du produit, il faut que le partenaire soit fiable », insiste Abdoulaye.
Pour poursuivre sur sa lancée, le tandem, qui propose aussi des solutions pour répondre aux besoins primaires (énergie, éclairage, traitement de l’eau), compte se diversifier vers le gros équipement, avec en ligne de mire l’industrie papetière et la savonnerie. Et l’équipe devrait s’étoffer, comme le laissent présager les deux bureaux inoccupés. Le petit dernier de la fratrie, Nfaly, serait sur les rangs, glisse Ibrahim : « Il a d’abord voulu se lancer seul mais, finalement, il envisage de nous rejoindre comme assistant. »
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