Thaïlande : royal putschiste

Soutien indéfectible de la monarchie, le général Prayuth Chan-ocha a confisqué le pouvoir pour mettre fin à une crise politique sans issue. Problème : il n’envisage pas de le rendre de sitôt.

Lors d’une conférence de presse au quartier général des forces armées, le 26 mai, à Bangkok. © PORNCHAI KITTIWONGSAKUL/AFP

Lors d’une conférence de presse au quartier général des forces armées, le 26 mai, à Bangkok. © PORNCHAI KITTIWONGSAKUL/AFP

Publié le 13 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

Trop, c’est trop. Après sept mois d’une interminable crise politique, le général Prayuth Chan-ocha voit rouge et, le 20 mai, décrète la loi martiale. "Ce n’est pas un coup d’État", fait-il savoir. Pourtant, dès le surlendemain, il annonce la prise du pouvoir par l’armée. Et, le 26 mai, le général putschiste est officiellement intronisé par le vieux roi Bhumibol. Blasés, certains journaux rappellent qu’il s’agit là d’une tradition locale. N’est-ce pas le dix-neuvième coup d’État dont la Thaïlande est le théâtre depuis 1932 ?

D’après les témoins, c’est sur un coup de sang que Prayuth Chan-ocha, il est vrai connu pour son fort caractère, aurait décidé de s’emparer des rênes du pouvoir. Le 22 mai, exaspéré par l’impasse politique dans laquelle s’enfonce le pays, le général tente une opération de la dernière chance afin d’imposer une réconciliation nationale… à laquelle il ne croit déjà plus guère. Il réunit quarante représentants des deux camps. D’un côté, les partisans de Yingluck Shinawatra, la Première ministre déchue. De l’autre, ses opposants bien décidés à obtenir la mise en place d’un Conseil du peuple, organisme non élu chargé de réformer les institutions jusqu’à une prochaine élection.

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La question qui se pose est simple : faut-il organiser de nouvelles élections ou le Sénat doit-il être chargé de nommer un nouveau Premier ministre ? Prayuth penche pour la seconde hypothèse, mais, pour ce faire, il faut que le gouvernement provisoire mis en place après la destitution de Yingluck démissionne. "En cet instant, déclare Chaikasem Nitisiri, le ministre de la Justice, le gouvernement décide de ne pas démissionner." Fou de rage, Prayuth lui rétorque : "En cet instant, je décide de prendre le pouvoir."

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Le général n’est pas un homme facile

La suite est connue. Le 22 mai, à 16 h 30, le coup d’État est annoncé et les militaires prennent position dans les rues de Bangkok. "Inutile de résister, ça ne servirait à rien", prévient Prayuth. Lui pose-t-on des questions pendant une conférence de presse ? "Désolé, je n’ai pas que ça à faire", répond-il. On l’aura compris : le général n’est pas un homme facile. Il n’aime ni la contradiction ni le désordre.

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En 2009, puis en 2010, puis en 2011, il fut l’un des artisans de la répression des manifestations antigouvernementales. Bilan : 70 morts. Longtemps, il joua pourtant le jeu de la démocratie, allant jusqu’à assurer Yingluck Shinawatra de son soutien… Travailleur acharné, il a l’amour du royaume et de la monarchie chevillés au corps. Après trois années de formation à l’Armed Forces Academy Preparatory School (Afaps), il intégra naguère l’Académie militaire royale de Chulachomklao, sorte de West Point thaïlandais, avant de servir dans le célèbre 21e régiment composé de "Tigres de l’Est" – des militaires triés sur le volet au service exclusif de la reine.

Chef d’état-major de l’armée depuis 2010 (il était censé prendre sa retraite en novembre prochain), c’est un ardent défenseur des lois sanctionnant lourdement les offenses à la monarchie ; un adversaire irréductible du clan Shinawatra, à qui il reproche son populisme et sa corruption ; et un soutien indéfectible des élites traditionnelles de Bangkok, proches du roi.

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Pas d’élections avant d’avoir révisé la constitution

L’armée thaïlandaise n’a pas pour mission première de défendre le territoire national, mais de protéger la monarchie. Trois semaines après le coup d’État, le général Prayuth Chan-ocha demeure d’une confiance à toute épreuve. Oui, a-t-il fait savoir dans un discours à la nation, le 30 mai, il organisera des élections, mais "à terme", et pas avant d’avoir révisé la Constitution – ce qui pourrait "prendre une année entière".

Quand on lui demande si la junte restera longtemps au pouvoir, le Tigre de l’Est esquisse ce qui ressemble à un sourire : "Le temps qu’il faudra, jusqu’à ce que tous les problèmes soient résolus et que les Thaïlandais retrouvent le bonheur." Ce n’est sans doute pas pour demain.

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