Cinéma : « I am not a witch », une fable sur les « sorcières » de Zambie

« Je voulais réaliser un conte » : le premier long métrage de la cinéaste zambienne Rungano Nyoni, « I am not a witch » narre, entre ironie et féerie, l’histoire d’une petite fille accusée de sorcellerie et envoyée dans un camp.

« I am not a witch », une fable sur les « sorcières » de Zambie © AFP

« I am not a witch », une fable sur les « sorcières » de Zambie © AFP

Publié le 24 décembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Rungano Nyoni, 35 ans, voulait dans son film parler de « la difficulté à briser les règles, aussi absurdes et ridicules soient-elles », raconte-t-elle dans un entretien à l’AFP.

Ce désir a amené la cinéaste, née en Zambie, élevée au Pays de Galles et qui vit aujourd’hui au Portugal, à s’intéresser aux camps de « sorcières » qui existent en Zambie ou au Ghana. Elle a été la première Zambienne de l’extérieur à y passer plusieurs semaines.

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La majorité des 80 femmes qui y vivent sont âgées, « souvent des veuves » dont la famille voulait se débarrasser, mais il y avait aussi « des femmes fortes, dont certaines avaient un commerce qui marchait très bien », suscitant des jalousies, explique-t-elle.

Ces femmes ont été accusées de sorcellerie sous divers prétextes. L’histoire la plus absurde qu’ait entendue Rungano Nyoni est celle d’une femme ayant fait une chute en allant chercher de l’eau, et qui a accusé une autre de lui avoir jeté un sort.

Cette scène a inspiré l’ouverture de « I am not a witch » (« Je ne suis pas une sorcière »), qui sort en France mercredi 27 décembre, en Suisse romande fin janvier, en Belgique et au Canada au printemps.

La petite Shula (Margaret Mulubwa), 9 ans, est accusée par une villageoise de lui avoir jeté un sort. Elle est envoyée dans un camp de « sorcières » géré par l’Etat et une monarque locale. Dans le conte, l’enfant a alors le choix de rester ou de s’en aller, au risque de se voir transformée en chèvre…

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Mille fillettes auditionnées

« Je ne connaissais pas assez bien le sujet pour en parler de manière réaliste, d’une façon qui me satisfasse pleinement », dit Rungano Nyoni pour justifier son choix d’un conte.

Ce parti pris lui a offert une grande liberté dans la narration, pas toujours linéaire, et l’esthétique de son film, tourné comme une série de tableaux soignés.

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Nul ne saura jamais d’où vient Shula et quelles pensées elle abrite derrière son petit visage buté. La réalisatrice a aussi pu symboliser la subordination de ces femmes, condamnées à travailler dur aux champs, par un long ruban rattaché à une bobine, qui limite leurs déplacements, et exhibées de temps en temps devant des touristes. L’état d’esprit de la petite fille est exprimé à travers la végétation, d’abord verdoyante, puis de plus en plus sèche.

Le responsable du camp comprend vite tous les avantages qu’il peut tirer de cette petite sorcière, utilisée lors de simulacres de procès ou traînée sur un plateau de télévision pour vendre des produits.

Rungano Nyoni, déjà remarquée dans plusieurs festivals pour ses courts métrages, a choisi de tourner essentiellement avec des comédiens amateurs pour ce long métrage de 1h34, présenté au Festival de Cannes à la Quinzaine des réalisateurs.

Elle a eu beaucoup de mal à trouver sa petite héroïne. Elle a auditionné à Lusaka près de mille fillettes. « Tout le monde me disait d’en choisir une et je refusais de le faire », n’étant pas convaincue, se souvient la réalisatrice en souriant. Son mari, qui avait fait des photos quelques mois auparavant dans le nord du pays pour des repérages, lui a alors rappelé l’existence d’une petite fille, apparue sur une des photos. « A partir de cette photo, nous l’avons trouvée », raconte-t-elle.

Pour les femmes jouant les sorcières, « nous avons organisé des ateliers ».

« Certaines choses étaient de dernière minute, c’était très chaotique », explique la cinéaste. Passer du format court au long, « c’est énorme », reconnaît-elle. Tourner en Zambie, où « il n’y a pas d’industrie » cinématographique, l’a aussi obligée à « changer son cadre de référence ».

« Si vous allez là-bas en essayant de faire un film comme en Europe, ça ne fonctionnera pas (…) Il faut vraiment être plus flexible », conclut-elle.

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