Revenge Porn à Kinshasa
Depuis Noël, une vidéo mettant en scène le vice-Premier ministre congolais dans une position embarrassante circule sur les réseaux. Le seul scandale, dans cette sombre affaire de « revenge porn », est la diffusion de la vidéo elle-même.
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Pierre Boisselet
Journaliste spécialisé sur l’Afrique subsaharienne, il écrit plus particulièrement sur l’Afrique du Sud, la RD Congo et le Rwanda. Anglophone, il s’intéresse aussi aux relations entre les États-Unis et l’Afrique, aux nouveaux « mouvements citoyens » du continent ainsi qu’à la Francophonie.
Publié le 28 décembre 2017 Lecture : 2 minutes.
La classe politique congolaise n’a-t-elle pas de problème plus urgent à régler ? Depuis deux jours, elle est traversée par une polémique nauséabonde dont tout le monde se serait bien passé. Une vidéo de quelques secondes circule, en effet, de Facebook à WhatsApp, qui montre un homme, allongé sur un lit et sur le dos, son sexe en érection dépassant de son pantalon. Le ou la vidéaste le filme de près, sans qu’il ne donne l’impression de protester. D’après ses diffuseurs, qui ont agi le jour de Noël, l’homme en question serait Léonard She Okitundu, le vice-Premier ministre congolais en charge des Affaires étrangères. Il est vrai qu’il lui ressemble. L’entourage du ministre dément que ce soit lui, sans totalement convaincre. Mais à vrai dire, là n’est pas la question.
Quelle infraction commise par l’homme de la vidéo mériterait-elle d’être dénoncée ? Aucune. À la grande différence des affaires Harvey Weinstein ou Tariq Ramadan, il n’est ici question ni de viol, ni d’agression sexuelle.
L’Afrique pas épargnée par le revenge porn
Le seul scandale, dans cette sombre affaire, est la diffusion de la vidéo elle-même. Cela porte un nom : la « vengeance pornographique », ou « revenge porn » en anglais. Ce procédé est, habituellement, utilisé par des hommes emplis de rancoeur pour détruire la vie sociale d’une ex-compagne. Que la victime soit dans ce cas précis un homme ne change rien à l’affaire. Qu’il soit le chef de la diplomatie congolaise ne fait qu’en décupler le pouvoir de nuisance. Dans tous les cas, la méthode est abjecte.
En France, la diffusion de telles vidéos est un délit passible de deux ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende depuis 2016. Aux États-Unis, les propositions de loi en ce sens se heurtent, pour l’instant, au sacro-saint principe de liberté d’expression garanti par la Constitution. Mais les membres du Congrès ne désarment pas. Les parlements africains seraient bien inspirés de se saisir également de cette question : cet exemple prouve qu’ils ne sont hélas pas épargnés par ce phénomène. Il y en a eu bien d’autres.
Des précédents
En RD Congo, personne ne sortira grandi de cette affaire. Ni l’opposant Félix Tshisekedi, qui a cru bon de demander la démission de She Okitundu sur cette base. Ni ses détracteurs de la majorité, qui ont dégainé un montage photographique grossier pour tenter d’humilier Félix à son tour. Certains proches du mouvement citoyen lutte pour le changement (Lucha) se sont également saisis de cette affaire. Ils ont la mémoire courte. Il y a moins d’un an, l’une des leurs, Soraya Aziz, avait été victime d’un procédé similaire : des photos d’elle nue avaient été diffusées sur les réseaux sociaux. Elle avait courageusement affronté l’opprobre. Ses camarades l’avaient soutenue, à raison à l’époque.
Il serait désormais temps que chacun s’intéresse désormais aux réels problèmes de ce grand pays. Ils ne manquent pourtant pas.
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