Pas comme les autres…

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  • Béchir Ben Yahmed

    Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.

Publié le 13 juin 2014 Lecture : 4 minutes.

Qu’est-ce qui distingue le continent africain des quatre autres ?

À la fin du XXe siècle, il y a donc quinze ans, il aurait fallu répondre : "L’Afrique stagne, ne se développe pas, tandis que l’Europe, l’Amérique, l’Asie et l’Océanie sont toutes les quatre en croissance économique soutenue."

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Cette différence a fort heureusement disparu : depuis le début de ce siècle, l’Afrique s’est mise, elle aussi, à se développer, et son économie croît depuis lors à un rythme annuel voisin de 5 %.

Mais une autre différence est apparue plus importante encore : les Africains et leur continent sont engagés – pour plusieurs décennies – dans une voie abandonnée par presque tous les autres, celle d’une croissance démographique non maîtrisée (2,5 % par an).

La carte ci-dessous vous le montre. À la lumière de ce que nous avons appris, je voudrais voir avec vous si c’est bon pour les Africains.

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Je vous ai déjà exposé ce sujet délicat : la croissance démographique au sud du Sahara est-elle excessive et préoccupante, comme le soutiennent les économistes, qui y voient un frein au développement ? Ou est-ce une bénédiction et un atout pour l’avenir, comme le pensent des responsables africains parmi les plus éminents ?

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Si elle veut être à la hauteur de sa mission, l’Union africaine devrait réunir un comité pluridisciplinaire africain sous la présidence d’une personnalité de premier plan et le charger de nous éclairer.

Mais sans attendre, et pour vous donner une idée de la complexité du problème, je vous livre, puisées aux meilleures sources, quelques pièces du dossier.

D’emblée, je précise que la démographie n’est pas une science exacte : comme les prévisions météorologiques, ses projections ne sont correctes que pour le court ou le moyen terme.

Les démographes avancent des chiffres dont ils sont sûrs pour les dix ou quinze années à venir (2025 ou 2030) ; au-delà, ils émettent des hypothèses ou situent l’évolution dans une fourchette à trois branches.

Ils soulignent cependant que "la plupart des personnes qui vivront dans trente-six ans sont déjà nées, on connaît leur nombre et on sait à peu près combien vont mourir et aussi combien d’enfants vont naître d’ici là. Le nombre de femmes qui auront des enfants est lui aussi connu".

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Qu’affirment-ils ? Que la population mondiale (qui n’était en 1900 que de 1,65 milliard) croît chaque année de quelque 82 millions de personnes. Elle était de 7,2 milliards en 2013 et passera à 8,1 milliards en 2025.

Leurs hypothèses à horizon plus lointain ? 9,6 milliards en 2050 et 10,9 milliards en 2100.

Et ils ajoutent ceci, qui est énorme : l’Afrique contribuera pour moitié à la croissance démographique de la population mondiale d’ici à 2050 ! À ce rythme, le Nigeria comptera 444 millions d’habitants, soit plus que les États-Unis. Et le continent africain, où le taux de fécondité s’établit en moyenne à 4,8 enfants, contre 2,5 pour le reste du monde, verra sa population passer de 1,1 milliard à 2,4 milliards !

En 2100, le continent pourrait compter 4 milliards d’habitants ; un homme sur trois serait alors africain !

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De son côté, l’Inde, qui est aujourd’hui moins peuplée que la Chine, dépassera celle-ci avant 2050 avec 1,65 milliard d’habitants, contre 1,31 milliard.

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L’Europe, elle, verra sa population vieillir puisque la plupart de ses grandes nations (Allemagne, Russie, Portugal, Espagne, Italie) sont en décroissance démographique. La population européenne restera néanmoins stable : la politique pronataliste de certains pays et l’immigration lui permettront de se maintenir aux alentours de 730 millions.

Qui dit stagnation ou décroissance démographique dit vieillissement de la population : l’âge moyen de la population mondiale est de 30 ans, et il s’élève décennie après décennie.

Le pourcentage des plus de 65 ans augmente, lui aussi, inexorablement : au Japon, c’est dramatique, en Europe, c’est déjà préoccupant, et la Chine elle-même commence à ressentir le phénomène.

À l’inverse, en Afrique et en Inde, grâce à la croissance démographique, on parle d’indice de jeunesse (la part des moins de 15 ans en pourcentage de la population) : il est de 50 % au Niger, champion du monde en la matière, de l’ordre de 40 % dans la majorité des pays de l’Afrique subsaharienne.

L’espérance de vie, égale ou supérieure à 80 ans dans les pays développés, est de 70 ans (moyenne mondiale) grâce à la chute, même en Afrique, de la mortalité infantile et à la (trop) lente amélioration des systèmes de santé.

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Qui est dans le vrai : la Chine, qui contraint ses citoyens, depuis des lustres, à un contrôle des naissances draconien (politique de l’enfant unique), ou l’Inde, qui, ayant décidé de "laisser filer", sera plus peuplée que la Chine avec un âge moyen moins élevé ?

Qui va dans la bonne direction : la vieille Europe, dont la population stagne et où l’âge moyen augmente, ou bien la jeune Afrique, où les moins de 15 ans sont légion et dont la population augmente à un rythme jugé insoutenable par tous les économistes ?

Les uns et les autres doivent, sans plus attendre, corriger le tir, j’en suis persuadé.

Les Européens ont commencé à le faire et les Chinois s’y préparent.

Restent l’Inde et les pays d’Afrique subsaharienne : leur revenu par habitant est dramatiquement bas, parce que leur croissance économique est "mangée" par une démographie galopante.

Il ne s’élèvera que si cette dernière est maîtrisée.

Ils ont donc pour ardente obligation de la ramener à un taux raisonnable, voisin de 1 % par an.

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