Algérie : le Nouvel An amazigh « fériérisé » par Bouteflika ne fait pas l’unanimité

Alger répond à une exigence historique du mouvement amazigh. Pourtant, sur le terrain, l’annonce soulève plus de méfiance qu’autre chose chez de nombreux berbéristes.

Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, dans un bureau de vote à Alger pour les législatives du 4 mai 2017. © Sidali Djarboub/AP/SIPA

Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, dans un bureau de vote à Alger pour les législatives du 4 mai 2017. © Sidali Djarboub/AP/SIPA

CRETOIS Jules

Publié le 28 décembre 2017 Lecture : 3 minutes.

« Le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé sa décision de consacrer Yennayer journée chômée et payée dès le 12 janvier prochain, le gouvernement étant chargé de prendre les dispositions appropriées à cet effet. » Ce communiqué de la présidence algérienne, publié mercredi 27 décembre, à l’occasion de la transmission de ses vœux aux Algériens pour la nouvelle année, a annoncé une mesure historique. En effet, c’est la première fois que le nouvel an amazigh est décrété fête nationale dans un pays d’Afrique du Nord. Le jour est férié au même titre que le 1er janvier du calendrier chrétien et de l’Awal Muharram, qui correspond au nouvel an musulman.

En prenant cette décision, Abdelaziz Bouteflika répond directement à une vieille exigence du mouvement kabyle algérien, mais aussi aux tensions qu’a connu cette région frondeuse début décembre. Des milliers de manifestants, essentiellement des jeunes, avaient défilé dans différentes villes d’Algérie, surtout en Kabylie, pour protester contre le rejet d’un amendement parlementaire visant à promouvoir l’enseignement de la langue amazigh.

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Pourtant, tous les militants berbéristes n’ont pas été réceptifs au geste présidentiel. Pour Ferhat Mehenni, dirigeant du Mouvement pour l’autonomie kabyle (MAK), la frange radicale du mouvement kabyle, ce n’est pas une réelle avancée : « Pour nous, cela n’est rien. En faisant cela, Alger ne fait que répondre à la pression de la jeunesse kabyle, qui n’a pas lâché la rue. »

Le divorce est consommé

La langue amazigh a été promue langue officielle lors de la réforme constitutionnelle de mars 2016. Celle-ci prévoit une loi organique pour organiser le nouveau statut de l’amazigh. « Le fait est que les citoyens ne peuvent pas se saisir de leurs institutions en amazigh. La langue de l’État reste l’arabe. Et l’enseignement de l’amazigh, dans toutes ses variantes, n’est absolument pas satisfaisant « , regrette Yassine Aissiouane, député du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), un parti historique du mouvement berbère qui n’a pas, non plus, pris la peine de saluer la décision présidentielle.

La Présidence prend ses décisions seule, sous la pression

Sur le terrain, il semble que le divorce entre les élites dirigeantes et le mouvement amazigh soit largement consommé et que les mesures symboliques prises les unes après les autres ne présagent pas un réchauffement des relations. La société civile n’est, d’ailleurs, pas appelée par les autorités à participer à l’introduction de l’amazigh comme langue officielle. « La Présidence prend ses décisions seule, sous la pression. Elle pensait en avoir fini avec les revendications identitaires et culturelles avec la réforme de 2016, mais voit bien que les manifestations durent encore », précise Aissiouane.

Un mouvement indépendantiste en forme

Dans la foulée de la reconnaissance de Yennayer, « le président de la République a également chargé le gouvernement d’accélérer la préparation du projet de loi organique portant création d’une Académie algérienne de la langue amazighe », ajoute le communiqué présidentiel. La nouvelle aurait pu réjouir. Elle annonce à priori que le projet de loi que les députés du RCD et du Front des forces socialistes (FFS), lui aussi historiquement proche du mouvement amazigh, réclament depuis 2016 sera bientôt présenté. « Mais le mouvement culturel amazigh ne dit rien de ces déclarations, car il n’est pas associé à la mise en place de projets. Et toutes ces décisions auraient été historiques il y a une quinzaine d’années. Depuis, sur le terrain, les revendications se sont faites bien plus radicales… », soulève Aissiouane.

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En février 2017 encore, un nouveau mouvement est né en Kabylie : le Rassemblement pour la Kabylie (RPK), qui réclame l’autonomie de la région. Et de nombreux observateurs remarquent que le MAK indépendantiste se maintient en forme. Lors des manifestations de décembre, les drapeaux de l’organisation étaient bien en vue.

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