L’œil de Glez : au Cameroun, lifting numérique pour président octogénaire
Des ordinateurs griffés « Paul Biya » vont inonder les universités camerounaises. Opération présidentielle désintéressée ou merchandising pré-electoral ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 29 décembre 2017 Lecture : 2 minutes.
« One man, one computer » : même si le saut technologique de l’Afrique est patent, en ce qui concerne les smartphones, l’idée que chaque Africain doit posséder un ordinateur relève encore d’une « branchitude » incongrue. Sur un marché éducatif mondialisé, toutefois, l’accès de chaque étudiant à un laptop personnel se justifie, même si la méfiance est parfois de mise, vis-à-vis d’opérations de dons intéressés. Lorsqu’une multinationale du secteur des octets intervient dans des campus censément déshérités, y voit-elle davantage un marché qu’un temple du savoir ? Le président camerounais a peut-être trouvé la solution à l’invasion publicitaire caritative…
Un premier lot de 40 000 ordinateurs portables devrait être distribué à partir de janvier
Des ordinateurs prochainement distribués à des étudiants du Cameroun sont estampillés « PB-Hev », les initiales de Paul Biya et du programme présidentiel « higher education vision ». C’est en 2016 que le président en avait promis 500 000 exemplaires aux apprenants de son pays, dans le cadre d’une opération baptisée « un étudiant, un ordinateur ». Arrivé de Chine vendredi dernier, un premier lot de 40 000 ordinateurs portables devrait être distribué à partir de janvier, au nord du pays, à l’ouest puis à Yaoundé. Un second lot est déjà dans les starting-blocks.
Les « ordinateurs électoraux »
À cheval électronique donné, on ne regarde pas la griffe. Sauf qu’un tel « don spécial » n’est jamais exempt de critiques. Déjà, des reports et délais de livraison avaient agacé. Ensuite, des suspicions de détournement avaient point, même si Jacques Fame Ndongo, le ministre de l’Enseignement supérieur, a tenté de rassurer sur ce point. Enfin, à quelques mois des législatives de septembre et de la présidentielle d’octobre, certains surnomment ces machines les « ordinateurs électoraux »…
Il ne peut se priver d’un peu de jeunisme, voire d’un lifting numérique
Si la pratique a fait florès au Gabon d’Ali Bongo Ondimba, une campagne guinéenne comparable – « Un étudiant, une tablette » – avait donné des sueurs froides au président Alpha Condé. Cette opération camerounaise se retournera-t-elle contre le chef de l’État, notamment malmené sur la question de la crise anglophone ?
Alors qu’il reste mystérieux sur son éventuelle candidature, ce dernier, au pouvoir depuis 35 ans, peut-il échapper à une stratégie marketing ? En 2017, Paul Biya a vu la grogne politique, lorsque l’état de santé a écarté du pouvoir trois dinosaures qu’on croyait indéboulonnables, en Gambie, en Angola et au Zimbabwe. Âgé de 84 ans, dans un pays dont l’espérance de vie est de 58 ans, il ne peut se priver d’un peu de jeunisme, voire d’un lifting numérique. Pour un bon usage des ordinateurs PB-Hev (à ne pas lire « PB achevé »), il faudrait tout de même que les coupures d’Internet soient moins fréquentes…
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