Sierra Leone : les victimes des inondations de retour en zone de danger

Quatre mois après les inondations qui ont fait plus de mille morts en Sierra Leone, Mariama Kamara vit à nouveau sous la colline qui, en s’effondrant, a emporté sa maison et tué son mari.

Des survivants des inondations, le 15 novembre 2017, dans un des camps ou ils ont trouvé refuge à Freetown mais vont être obligés de rentrer chez eux malgré le danger de glissements de terrain. © Saidu BAH / AFP

Des survivants des inondations, le 15 novembre 2017, dans un des camps ou ils ont trouvé refuge à Freetown mais vont être obligés de rentrer chez eux malgré le danger de glissements de terrain. © Saidu BAH / AFP

Publié le 31 décembre 2017 Lecture : 3 minutes.

La jeune femme de 27 ans, qui a élu domicile, faute de mieux, dans un bâtiment inachevé, a dû quitter, comme des centaines d’autres Sierra-Léonais, l’un des trois camps mis en place par les autorités après la catastrophe du 14 août et qui viennent d’être fermés.

Cette nuit-là, après plusieurs jours de pluie intense, un pan de la colline Sugar Leaf, dans la banlieue de la capitale Freetown, s’est détaché.

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Des torrents boueux et d’énormes blocs de pierre ont dévalé la pente abrupte, emportant les habitations du quartier de Regent, en contrebas, ou les recouvrant entièrement de terre rougeâtre.

« On est de retour à Regent, on essaie de récupérer ce qu’il reste après la catastrophe », a expliqué à l’AFP Mariama Kamara, alors qu’elle donnait le sein à son bébé de huit mois, assise sur un bloc de béton.

Crainte de nouveaux glissements de terrain

Mère de trois enfants en bas âge, désormais veuve, elle a reçu 280 dollars (237 euros) du gouvernement britannique et du Programme alimentaire mondial (PAM) pour démarrer une nouvelle vie.

Mais, dit-elle, elle n’a pas vraiment eu d’autres choix que de retourner d’où elle venait, malgré la crainte de nouveaux glissements de terrain.

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« J’ai vendu une partie des biens de première nécessité qu’on m’avait donnés pour que mes deux aînés puissent rester chez ma mère, le temps que je trouve mieux », explique la jeune femme.

Nulle part où aller

A Regent, quelque 300 enfants, dont de nombreux orphelins, ont repris le chemin des cours, même si leur école n’a ni porte, ni fenêtre, ni toit.

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Le gouvernement de la Sierra Leone, l’un des pays les plus pauvres au monde, a sommé tous ceux qui vivotent à Regent de quitter les lieux pour des raisons de sécurité.

Mais Francis Abu Sankoh, un responsable local, refuse de collaborer. « Nous n’allons pas forcer ces gens à partir alors qu’ils n’ont nulle part où aller », dit-il, évoquant le nombre de 200 familles revenues à Regent.

Les survivants des inondations sont accueillis dans des centres à Freetown, le 15 novembre 2017. © Saidu BAH / AFP

Les survivants des inondations sont accueillis dans des centres à Freetown, le 15 novembre 2017. © Saidu BAH / AFP

Après quatre mois d’effort, les responsables d’ONG se disent épuisés. « Nous avons fait notre part du travail pour répondre aux urgences », estime le père George Crisafulli, directeur de l’orphelinat Don Bosco Fambul, qui s’est transformé en centre d’accueil temporaire pour les sans-abris.

« Maintenant, c’est la responsabilité du gouvernement de leur apporter aide financière et logement », dit-il, alors qu’une centaine de femmes enceintes et de jeunes mères vont bientôt devoir quitter son institution.

Quelques nouveaux orphelins ont pu trouver refuge chez des proches, mais de nombreuses familles ne peuvent pas se permettre d’accueillir une nouvelle bouche à nourrir, explique Cecelia Mansaray, de l’ONG britannique Street Child.

« Si l’Etat en a les moyens »

Au cours des 15 dernières années, quatre inondations majeures ont affecté plus de 220.000 personnes en Sierra Leone et causé des dommages économiques graves, selon un rapport publié en septembre par la Banque mondiale.

Celle du mois d’août a été la plus meurtrière, avec un bilan officiel de 1.141 morts et disparus.

D’ici 2021, le pays aura besoin de quelque 82,41 millions de dollars (70 millions d’euros), soit 2,2% de son PIB, pour se remettre de la catastrophe et, notamment, reconstruire six centres médicaux et 59 écoles, selon la Banque mondiale.

Un défi de taille, au regard de l’échec des programmes de relogement mis en place ces dernières années.

Le site choisi à cet effet, Mile Six, situé en dehors de la ville et à l’abri des inondations, n’est en revanche pas raccordé à l’eau et à l’électricité et est difficilement accessible.

Conséquence : les déplacés sont rapidement retournés dans leurs anciens quartiers, moins sûrs mais plus proches du centre de la capitale.

Le coordinateur en chef du Bureau de la sécurité nationale (ONS), Ismail Tarawali, accuse certaines familles d’avoir « triché » en réclamant une aide indue.

A moyen et long terme, de l’aide supplémentaire sera accordée aux ménages dans le besoin, promet-il toutefois, à condition cependant que l’Etat en ait les moyens.

En attendant, 52 nouvelles maisons sont en construction à Mile Six et un programme de prêts à taux intéressants sera mis en place pour les survivants ayant un titre de propriété valide, a-t-il ajouté.

Mais seule une petite minorité des victimes devrait pouvoir profiter de ces programmes, alors que la majorité risque de se trouver pour longtemps encore au pied des collines, à la merci des prochaines inondations.

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