RDC : Faut-il croire au désarmement des rebelles hutu rwandais ?
Le processus de désarmement volontaire entamé par les rebelles hutu rwandais de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), promesse d’une paix durable dans la région troublée des Grands Lacs, laisse pour l’heure sceptiques observateurs et acteurs régionaux.
Les rebelles hutu des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dont certains responsables ont participé au génocide contre les Tutsi au Rwanda en 1994, sont estimés aujourd’hui à moins de 2 000 dans les collines boisées de l’est congolais, frontalier du Rwanda.
Mais ces rebelles hutus sont toujours considérés par Kigali comme "la menace la plus grave" pour la paix régionale, tandis que Kinshasa suspecte son voisin rwandais de ne pas souhaiter voir disparaître cette menace, prétexte à une intervention armée en territoire congolais.
Se pose aussi la question de la sincérité des FDLR, qui ont déjà à maintes reprises ces dernières années annoncé en fanfare leur renoncement à la lutte armée.
"Personne ne prend au sérieux [cette] mascarade", indique à l’AFP Thierry Vircoulon, directeur du programme Afrique centrale du cercle de réflexion International Crisis Group.
C’est "illusoire", estime un diplomate à Kinshasa, doutant de la volonté de chacune des parties de régler une question qui empoisonne les relations entre la RDC et le Rwanda depuis des années.
Les FDLR ont entamé fin mai un "désarmement volontaire" sous l’égide d’observateurs internationaux. À la date du 9 juin, 200 hommes environ s’étaient rendus, mais depuis lors, plus rien.
Six mois pour se rendre et désarmer
Mardi, les pays d’Afrique centrale, orientale et australe associés aux efforts de paix pour les Grands Lacs ont donné six mois aux miliciens du groupe pour se rendre et désarmer, prévoyant que leur processus de démobilisation serait examiné à mi-parcours.
Pour maintenir la pression sur les rebelles, Kinshasa et la Mission de l’ONU en RDC (Monusco) martèlent que l’option d’un désarmement forcé "reste sur la table", mais ce message est brouillé par leur préférence affichée pour une solution pacifique.
Selon plusieurs sources militaires occidentales, la tâche de désarmer par la force les FDLR est tout simplement impossible en l’état actuel des effectifs et de l’équipement des troupes congolaises et onusiennes. C’est cependant la seule solution que conçoit le Rwanda.
Accusant la Monusco de pactiser avec le diable, Kigali a mis en garde, fin juin, le Conseil de sécurité de l’ONU contre "tout délai supplémentaire dans l’élimination" des FDLR.
Faute de quoi, menace-t-elle, le Rwanda pourrait se retirer du processus de mise en oeuvre de l’accord-cadre d’Addis Abeba signé en février 2013 par onze pays africains pour mettre fin aux conflits qui saignent l’Est du Congo depuis vingt ans.
"La crédibilité et l’avenir" de cet accord "dépendent de la résolution de la question des FDLR", estime Kris Berwouts, spécialiste de l’Afrique centrale, sur le site African Arguments.
Une tension persistante
Signe d’une tension persistante, des combats meurtriers, localisés, ont opposé le Rwanda et la RDC sur leur frontière les 11 et 12 juin.
Le Rwanda a envahi le Congo pendant les guerres de 1996-1997 et 1998-2003 et armé les rébellions à dominante tutsi qui se sont succédé depuis lors au Kivu, jusqu’à la dernière d’entre elles, le Mouvement du 23 Mars (M23), défait en novembre.
Jeudi, le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, a insinué que le Rwanda perdrait beaucoup à ce que disparaissent les FDLR car cela le priverait d’un "prétexte" pour venir "piller" le Kivu. Kigali accuse de son côté la RDC d’utiliser et d’armer les FDLR pour tyranniser les Tutsi congolais.
Rappelant que les premières victimes de cette rébellion sont les civils congolais, la Monusco et Kinshasa répètent à l’envi qu’aucun FDLR ne restera en RDC à l’issue du processus de désarmement.
Mais au sein même du système des Nations unies certains estiment que c’est une vue de l’esprit : les rebelles ayant pris souche en RDC, la solution passera nécessairement par l’"installation définitive" dans le pays de nombre d’entre eux, qui n’ont aucune intention d’aller vivre au Rwanda.
Pour le diplomate en poste à Kinshasa, les FDLR feraient la preuve de leur double jeu en conditionnant leur rapatriement au Rwanda à l’ouverture d’un "dialogue politique inter-rwandais" auquel elles participeraient alors qu’elles "savent pertinemment que c’est hors de question" pour Kigali.
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