RDC : au moins huit morts et une centaine d’arrestations en marge des manifestations
Huit personnes ont trouvé la mort dimanche en République démocratique du Congo, et une centaine ont été arrêtées, en marge des manifestations de catholiques contre le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila, a-t-on appris de source onusienne.
Dans son message télévisé préenregistré, diffusé dimanche soir, M. Kabila a assuré que la publication de l’échéancier qui prévoit la tenue de la présidentielle au 23 décembre 2018 « conduit de manière irréversible vers l’organisation des élections ». Mais les catholiques congolais manifestaient ce dimanche car un accord était signé il y a un an jour pour jour sous l’égide des évêques, prévoyant des élections fin 2017 pour organiser le départ de M. Kabila, dont le mandat s’est achevé en décembre 2016.
Le président a critiqué ces manifestants, appelant à la « vigilance » afin de « barrer la route à tous ceux qui (cherchent à se) servir de prétexte des élections depuis quelques années, seraient tentés aujourd’hui de recourir à la violence pour interrompre le processus démocratique en cours et plonger le pays dans l’inconnu ».
« Sept morts à Kinshasa et un à Kananga »
Le bilan provisoire de cette journée est de « huit morts dont sept à Kinshasa et un à Kananga », dans le centre du pays, a déclaré à l’AFP une source onusienne. « Quatre-vingt-deux arrestations, dont des prêtres » ont eu lieu à Kinshasa et « 41 sur le reste du pays », a ajouté cette source.
La police congolaise a fait état de trois civils tués à Kinshasa, tandis que le gouvernement de la RDC annonçait un policier tué dans la capitale, selon un communiqué lu à la télévision d’État.
Les forces de sécurité congolaises ont réprimé des messes à coups de gaz lacrymogène, et empêché des marches interdites après l’appel à manifester contre le pouvoir.
A Kananga, au Kasaï, dans le centre du pays, un homme a été tué par balles par des militaires qui ont ouvert le feu sur des catholiques, en marge d’une marche contre le président Kabila, dont le mandat a expiré depuis décembre 2016.
Coupure internet (« pour des raisons de sécurité d’État »), déploiement sécuritaire, barrages policiers : les autorités congolaises ont tenté d’étouffer ces « marches pacifiques » contre le chef de l’État, malgré l’appel des Nations unies et des chancelleries au respect du droit à manifester.
Enfants de chœur interpellés
A Kinshasa, au moins une quinzaine de personnes ont été blessées, dont plusieurs par balles, selon le décompte d’une équipe de l’AFP qui s’est rendue dans plusieurs paroisses.
La police a aussi interpellé douze enfants de chœur à la sortie d’une paroisse du centre-ville.
A Lubumbashi (sud-est), deuxième ville du pays, deux personnes ont été blessées par balles quand les forces de sécurité ont ouvert le feu alors que des catholiques tentaient de manifester à la sortie d’une messe.
La police a également utilisé des gaz lacrymogènes et des jeunes ont répliqué par des jets de pierres. Quatre véhicules ont été incendiés et des commerces ont été pillés.
Toute l’opposition et la société civile, qui réclament le départ du président Kabila dès ce 31 décembre 2017, se sont associées à l’appel des marches, interdite par les autorités comme les précédentes manifestations contre le régime.
L’ONU appelle « le gouvernement et les forces nationales de sécurité à faire preuve de retenue et à respecter les droits du peuple congolais aux libertés d’expression et de manifester pacifiquement
Dans un pays majoritairement chrétien, où les habitants survivent avec moins de un dollar par jour, c’est en pleine prière au cœur des églises que les forces de sécurité ont fait irruption.
« Alors que nous étions en train de prier, les militaires et les policiers sont entrés dans l’enceinte de l’église et ont tiré des gaz lacrymogènes dans l’église » où se déroulait la messe, a déclaré à l’AFP un chrétien de la paroisse Saint-Michel, dans le centre de Kinshasa.
A la cathédrale Notre-Dame du Congo, à Lingwala, quartier populaire du nord de Kinshasa, les forces de sécurité ont également tiré des gaz lacrymogènes à l’arrivée du leader de l’opposition Félix Tshisekedi, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Les manifestants demandent au président de déclarer qu’il ne sera plus candidat. Ils veulent aussi un « calendrier électoral consensuel » à la place de l’actuel, qui prévoit des élections le 23 décembre 2018 pour remplacer Joseph Kabila, alors que son dernier mandat a pris fin le 20 décembre 2016.
« Distribution d’armes »
Au cours de la nuit, l’armée et la police s’étaient déployées massivement devant des églises de Kinshasa, la capitale aux quelque 10 millions d’habitants, les autorités assurant être informées d’une « distribution d’armes » pour déstabiliser le régime.
Une équipe de l’AFP a été menacée à Kinshasa par un officier congolais. « Si vous ne videz pas les lieux, j’ordonne qu’on tire sur vous », a lancé l’officier.
A Kinshasa, de nombreuses barrières routières ont été installées dans la ville, où des policiers et militaires contrôlaient les passagers des véhicules en circulation.
Dans un communiqué à New York, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé « le gouvernement et les forces nationales de sécurité à faire preuve de retenue et à respecter les droits du peuple congolais aux libertés d’expression et de manifester pacifiquement ».
Le patron de l’ONU « exhorte tous les acteurs politiques congolais à demeurer pleinement engagés à la mise en œuvre de l’Accord politique du 31 décembre 2016 qui demeure l’unique voie viable devant mener à la tenue d’élections, à une alternance pacifique au pouvoir et à la consolidation de la stabilité en République démocratique du Congo », précise le communiqué.
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