Marche des chrétiens en RDC : « La police a évité le pire », selon le général Sylvano Kasongo

Quarante-huit heures après la répression sanglante des marches des chrétiens, organisées dimanche à Kinshasa et dans d’autres villes de la RDC, le général Sylvano Kasongo Kitenge, commandant de la police dans la capitale congolaise, s’explique.

Un policier congolais en train de poursuivre des manifestants à Kinshasa, le dimanche 31 décembre 2017. © John Bompengo/AP/SIPA

Un policier congolais en train de poursuivre des manifestants à Kinshasa, le dimanche 31 décembre 2017. © John Bompengo/AP/SIPA

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Publié le 2 janvier 2018 Lecture : 5 minutes.

Une fois de plus, c’est dans le sang que des manifestations anti-Kabila ont été réprimées, le dimanche 31 décembre, à Kinshasa. Au moins cinq personnes sont décédées, selon le dernier décompte des Nations unies. Ce jour-là, un an exactement après la signature du compromis politique dit de la Saint-Sylvestre, des chrétiens catholiques avaient prévu de descendre dans les rues de la capitale congolaise et des autres villes de la RDC, pour réclamer la mise en oeuvre intégrale de cet accord, conclu sous l’égide des évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco).

Le texte prévoyait, entre autres, une gestion consensuelle du pays et une prolongation d’une année minimum du règne du président Joseph Kabila, dont le second et dernier mandat constitutionnel est arrivé à terme le 19 décembre 2016. Mais l’élection de son successeur se fait toujours attendre. Et des mesures de décrispation politique prévues n’ont pas suivi, malgré les recommandations répétées du Conseil de sécurité de l’ONU et d’autres partenaires internationaux du pays.

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Face à ces manifestants, le pouvoir avait dépêché des policiers et des militaires lourdement armés. « La police n’a fait que son travail », soutient le général Sylvano Kasongo Kitenge, chef de la police à Kinshasa.

Jeune Afrique : Quel bilan définitif et officiel faites-vous de ces marches des chrétiens réprimées, le dimanche 31 décembre, à Kinshasa ?

Général Sylvano Kasongo Kitenge : Il y a eu deux morts à Matete [commune située dans le sud de la ville de Kinshasa, ndlr], mais ces personnes n’ont pas été tuées par la police. Nous ne savons pas comment elles sont mortes. En tout cas, ce sont leurs amis Kuluna (membres des gangs à Kinshasa) qui ont emmené leurs corps à la paroisse de Matete. Nous disposons de l’aveu du curé qui l’atteste sur un enregistrement.

C’est d’ailleurs parce qu’il était dans la panique que ce curé a appelé la Monusco. Et sans attendre un procès-verbal de magistrats, comme c’est exigé dans ce genre de circonstances, ces corps ont été levés. Sans procédure judiciaire en amont !

Je n’ai pas vu une « dizaine de morts ». C’est un mensonge !

Des organisateurs de ces marches parlent pourtant d’une dizaine de morts et de centaines d’arrestations…

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Qu’ils nous disent où sont tombés ces morts. Où sont organisés les deuils ? J’étais personnellement sur le terrain, je n’ai pas vu une « dizaine de morts ». C’est un mensonge ! Il y a deux morts seulement, un troisième était un assaillant tué vers le marché de la Liberté, après l’assaut de la milice Kamuina Nsapu. C’était le soir, cela n’a donc rien à voir avec les manifestations.

Quant aux personnes arrêtées, j’ai eu le coup de fil du cardinal Laurent Monsengwo et j’ai pu lui assurer qu’elles ont toutes été libérées, y compris les quatre enfants de chœur interpellés. D’ailleurs, ces derniers n’étaient pas au nombre de dix, comme cela a été rapporté dimanche. Et sur la voie publique, lorsque l’ordre public est troublé et que la police intervient, elle ne cherche pas tout de suite à savoir qui est enfant de chœur, avocat ou médecin. Ce n’est que plus tard que l’on saura qui est qui parmi les personnes arrêtées.

Si des policiers ont lancé des gaz lacrymogènes dans des églises, ce sont des bavures et c’est grave

Des images nous sont parvenues montrant des policiers en train de lancer des gaz lacrymogènes dans des églises. Est-ce vous qui avez donné cet ordre à vos éléments déployés devant les paroisses de la capitale ?

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Comment peut-on donner l’ordre d’entrer dans des églises ? Pour y faire quoi ? Si ces faits sont avérés, ce sont des bavures. C’est grave et inacceptable ! Mais je n’ai pas encore vu ces images, car Internet était coupé dans le pays. Je peux vous assurer que des enquêtes vont être menées et les policiers qui se seraient rendus coupables de ces actes seront punis. La police est là pour protéger la population, pas pour faire le contraire.

Il est également reproché à vos hommes d’avoir eu recours à une force disproportionnée, face à des manifestants qui n’avaient comme armes que des chants, des bibles et des chapelets. D’ailleurs, l’image d’une femme grièvement blessée au front a ému la Toile. Que répondez-vous ? 

Lorsque le gaz lacrymogène est lancé, par exemple, certains manifestants tombent en tentant de fuir et ils se blessent. Il n’y a pas eu de blessés par balles. D’autant que la police n’a pas tiré à balles réelles. Mes hommes sont munis d’armes non létales. Il y a eu, peut-être, des cas isolés du côté de la police militaire, mais je n’en suis pas sûr.

À Kingabwa, dans la commune de Limete, des policiers, militaires et autres agents de sécurité déployés à la paroisse Saint Kizito se sont particulièrement distingués par la brutalité et l’extorsion. Ces actes ont été filmés et publiés par Ndeko Eliezer dans son émission « Tokomi wapi ? » (« Où en sommes-nous ? », en lingala), désormais diffusée sur YouTube. Est-ce cela l’image de la police congolaise à Kinshasa ?

Je suis descendu moi-même à Kingabwa pour voir ce qu’il s’y passait. J’ai libéré sur-le-champ le curé de la paroisse. Des inspecteurs de la police sont déjà en train de mener des enquêtes sur le terrain pour identifier les policiers incriminés : ils seront déférés devant l’auditorat. Ces actes intolérables ne resteront pas impunis.

Si nous ne suivons pas la décision du gouverneur, nous sommes des rebelles

En attendant, la police compte-t-elle continuer à réprimer toute manifestation pacifique qui sera organisée à Kinshasa contre le pouvoir en place ?

Nous, nous sommes l’outil du gouvernement. Si celui-ci autorise une marche, nous allons l’encadrer. À Kinshasa, tout dépend donc du gouvernement provincial. Si le gouverneur refuse de prendre acte de la tenue d’une manifestation, nous ne pouvons pas aller à l’encontre de sa décision. Car si nous ne la suivons pas, nous sommes des rebelles. C’est le gouverneur de la ville qui est garant de l’ordre public dans la capitale. S’il dit qu’il n’est pas capable de l’assurer et refuse d’autoriser une marche, nous devons prendre des précautions parce que ce n’est pas un ordre illégal.

Tenez, pour ces dernières marches, nous avons reçu des renseignements selon lesquels il y avait des infiltrés qui projetaient de tuer des gens et de nous en faire endosser la responsabilité. Nous avons été confrontés aux Kuluna et autres Kamuina Nsapu qui ont tenté de profiter de ces manifestations pour faire du mal. Il y aurait eu plusieurs morts dans des églises. Heureusement, la police a évité le pire. Nous devons nous en féliciter. Que le peuple attende les élections dans la quiétude, comme l’a dit le commandant suprême Joseph Kabila, président de la République.

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