Grèves, mutineries, politique, travail des enfants… Ce que le corps diplomatique a dit à Alassane Ouattara
Langage diplomatique et franc-parler étaient au rendez-vous des échanges de vœux entre le président ivoirien Alassane Ouattara et le corps diplomatique représenté en Côte d’Ivoire, jeudi au palais de la présidence ivoirienne. Morceaux choisis de la déclaration de Mgr Joseph Spiteri, nonce apostolique, doyen du corps diplomatique.
Les diplomates accrédités en Côte d’Ivoire interprètent les remous sociaux comme une volonté des Ivoiriens de s’impliquer davantage dans la gestion des choses publiques : « Les revendications estudiantines, les grèves du monde de l’enseignement et de la Fonction publique, de même que les diverses mutineries qui se sont produites en 2017 devraient être interprétées, j’estime, comme l’expression d’un malaise, bien plus qu’un échec. Nous devrions voir au-delà de ces protestations, le désir d’une participation plus active dans la construction du pays. Elles témoignent que chaque composante de la société voudrait se sentir impliquée dans l’élaboration et la gestion du bien commun ».
Une « bonne gouvernance »
L’exhortation à la « bonne gouvernance » a été au cœur des vœux des diplomates. À deux reprises, cette expression a été prononcée par le nonce apostolique. « Monsieur le président, vous êtes convaincu que la Côte d’Ivoire, cette terre d’hospitalité, a besoin de personnes éveillées pour réaliser l’émergence. Pour ce faire, il faut, au premier chef, que les habitants se découvrent comme citoyens. »
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« Être citoyen ou citoyenne d’une nation, en effet, transcende les limites de l’appartenance raciale, sans pour autant la détruire. La citoyenneté permet de partager les valeurs propres à chaque tradition ethnique pour bâtir ensemble un projet commun, fondé sur la fraternité, fruit de dons répartis, et garanti par l’égalité de droits et de devoirs de tous et de toutes. »
« C’est pourquoi, nous voudrions vous encourager à continuer la mise en œuvre de votre vaste politique de réformes dans les domaines de la bonne gouvernance et de la sécurité, de l’éducation et de la paix sociale, fondée sur la réconciliation, fruit du dialogue politique, qui garantissent au pays un développement humain intégral et réellement durable », a déclaré Mgr Spiteri.
Corruption
Une marche pour dire « non » à la #corruption ! Notre Chargé d’Affaires Katherine Brucker s’est joint à la marche du samedi organisée par des jeunes de la societe civile de #cotedivoire https://t.co/XlOFuKiCSF pic.twitter.com/Li7BHrogJH
— U.S. Embassy Abidjan (@USEmbAbidjan) December 11, 2017
De même, le représentant du pape François est largement revenu sur une préoccupation exprimée récemment par Katherine Brucker, chargée d’affaires à l’ambassade des États-Unis à Abidjan, qui a critiqué un relâchement dans la lutte contre la corruption dans le pays.
« Monsieur le président de la République, conscients de tout ce que vous avez déjà réalisé, nous souhaiterions, en 2018, un nouvel élan pour l’éradication du travail des enfants et pour la scolarisation des jeunes filles. La même ardeur devrait être de mise pour la bonne gouvernance, pour la lutte sans cesse contre la corruption et en faveur de procès judiciaires plus rapides. »
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« Aussi, en vue des élections que vous venez d’annoncer, souhaiterions-nous un engagement majeur des femmes en politique. Nous voudrions suggérer, en outre, un dialogue politique plus étendu, pour sortir de la mentalité du clan et favoriser le concours actif de l’opposition. Il va également sans dire que l’enrôlement de nombreux nouveaux électeurs assurerait un meilleur engagement civique de tous ».
Pour le corps diplomatique, « toutes (ces) choses permettront à la Côte d’Ivoire de voir dans les jeunes générations de véritables fils et filles, gages d’un avenir radieux pour la nation. Que leur formation demeure une priorité incontournable, parce que sans éducation, aucun développement n’est possible. Que nous, les adultes, n’ayons aucunement peur de nous remettre en cause. De la sorte, nous éviterions l’erreur de nous sentir autosuffisants et nous trouverions le courage nécessaire pour conduire ces jeunes vers une participation réelle au pouvoir décisionnel ».
Réconciliation
La question de la réconciliation, du dialogue politique interrompu entre le pouvoir et son opposition a été aussi soulevée par les diplomates qui ont fait remarquer à Alassane Ouattara que « l’une des premières règles régissant le concert des nations et sur laquelle se fonde le droit international est « pacta sunt servanda » – les traités doivent être toujours respectés -, et son pendant, le dialogue, constamment privilégié. »
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« Ces normes sont également valables au niveau local. Sur elles, repose la cohésion sociale. Il y a des accords à respecter et des négociations à poursuivre – sans contrainte et en tout respect mutuel – aussi bien en famille qu’entre le gouvernement et les citoyens, entre les partis politiques et les forces vives d’une nation, y compris les leaders religieux et les chefs coutumiers, entre les chefs d’entreprise, les travailleurs et les syndicats, ainsi qu’entre les cadres et les nouvelles générations ».
Fin de l’opération de l’ONU
Autres sujets de politique internationale, ceux de Jérusalem, du terrorisme et des conflits : « La fin effective, en juin 2017, du mandat de l’opération des Nations unies dans le pays, a été certainement le prélude à l’élection de la Côte d’Ivoire en tant que membre non-permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, à partir de ce 1er janvier 2018. Recevez encore nos vives félicitations. »
« Nous sommes convaincus que la Côte d’Ivoire, forte de sa propre expérience, accomplira dignement cette grave tâche de veiller sur le respect de toutes les résolutions de l’organisation des Nations unies, surtout là où persistent des conflits armés, des situations de violation des droits humains fondamentaux ou des relations tendues qui retardent la réconciliation entre les différentes populations, aussi bien en Afrique qu’au Moyen-Orient, particulièrement à Jérusalem, de même que dans toutes les autres régions du monde. Elle saura prendre, pareillement, des initiatives pour protéger nos frères et sœurs émigrants ou réfugiés ».
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