Sahara occidental : pourquoi la tension reprend à Guergarat

Cette zone tampon administrée par l’ONU connaît une nouvelle montée d’hostilités entre le Maroc et le Polisario. Les menaces et les provocations fusent.

Un mur de sable dans le Sahara, le 6 novembre 2006. © François Mori/AP/SIPA

Un mur de sable dans le Sahara, le 6 novembre 2006. © François Mori/AP/SIPA

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 8 janvier 2018 Lecture : 3 minutes.

Depuis une semaine, la zone frontalière de Guergarat enregistre une nouvelle montée de tension entre le Maroc et le Polisario. Une de plus, dans la série d’escalades que connaît le dossier du Sahara occidental à la veille de chaque réunion du Conseil de sécurité. Chaque année, au mois d’avril, les 15 membres du Conseil examinent le rapport du secrétaire général de l’ONU et décident du renouvellement du mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso). Cette année encore, Guergarat retiendra leur attention.

• Quel est l’incident qui a relancé la tension ? 

Des hommes du Front Polisario, en 2011 à Tifariti. © Arturo Rodriguez/AP/SIPA

Des hommes du Front Polisario, en 2011 à Tifariti. © Arturo Rodriguez/AP/SIPA

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De source marocaine, des soldats du Polisario sont apparus sur la zone le mercredi 3 janvier. Ils auraient bloqué les participants au Rallye Sahara Desert Challenge avant de quitter les lieux suite à une injonction de la Minurso.

Rabat a par la suite saisi le Conseil de sécurité sur ces événements et fait part des menaces proférées par le Polisario à l’encontre d’une autre course automobile, le Rallye Africa Eco race, qui doit passer dans cette zone ce lundi 8 janvier.

À travers son agence de presse officielle, le Front Polisario confirme avoir envoyé deux voitures de police désarmées dans la zone, avec instruction d’informer la Minurso sur les mesures préconisées pour éviter toute escalade de tensions durant ce rallye.

« Le maintien de cette étape du rallye s’apparente à une véritable provocation, d’autant plus que cette région est considérée comme une zone militaire où les activités civiles sont interdites », affirme l’agence Sahara press service.

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Le précédent de juin 2016

C’est dans ce no man’s land que militaires marocains et soldats du Front Polisario avaient failli s’affronter, fin 2016. Les Marocains stationnaient alors à côté du mur de défense construit par Hassan II dans les années 1980 pour se prémunir contre les attaques du Polisario -, les seconds dans la zone tampon, sous l’œil vigilant des soldats de la Minurso.

Un vis-à-vis à portée de fusil, qui était le contact le plus proche et le plus tendu depuis l’instauration du cessez-le-feu en 1991. La cause : un chantier de bitumage de la route qui traverse cette zone déserte, entamé par les autorités marocaines.

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Le Polisario avait alors réagi en protestant contre la violation d’une zone sous administration onusienne. Il a également envoyé ses soldats pour bloquer les camionneurs traversant cette route, avant que l’ONU n’intervienne, appelant les deux parties à se retirer de Guergarat.

• Pourquoi le Polisario déterre le dossier Guergarat ?  

Brahim Ghali, chef du Polisario, lors du 28e sommet de l'Union africaine (image d'illustration). © African Union Commission

Brahim Ghali, chef du Polisario, lors du 28e sommet de l'Union africaine (image d'illustration). © African Union Commission

On croyait ce conflit résolu mais il n’en est rien. Depuis cette date, le Polisario demande à l’ONU de trouver une solution à cette route commerciale qui ne profite, selon lui, qu’aux Marocains. Pour appuyer sa position, il cite la dernière résolution du Conseil de sécurité, précisément son paragraphe 3 qui stipule que « la crise intervenue récemment dans la zone tampon de Guerguerat suscite des interrogations fondamentales concernant le cessez-le-feu et les accords connexes et encourage le secrétaire général à explorer les moyens d’y répondre ».

Pour le Polisario, la situation dans cette zone impose de trouver une solution « qui aille au-delà d’un simple enregistrement des violations de l’accord de cessez-le-feu » pour s’attaquer « aux causes réelles qui étaient à l’origine de la crise ».

Samedi 6 janvier, par la voix de son représentant permanent à l’ONU, Omar Hilale, le Maroc a déclaré que le Polisario cherche « à saborder » le cessez-le feu et qu’il veut  « créer le même scénario de crise que celui de mars et avril derniers ».

• Que répond l’ONU ? 

Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres à New York le 28 septembre 2017. © Bebeto Matthews/AP/SIPA

Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres à New York le 28 septembre 2017. © Bebeto Matthews/AP/SIPA

Les regains de tension entre le Maroc et le Polisario sont récurrents. À chaque fois, l’ONU appelle les deux parties au calme. Samedi 6 janvier, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est encore une fois dit « profondément préoccupé » par la montée des hostilités sur la frontière maroco-mauritanienne. Il a appelé « les parties prenantes à éviter une escalade des tensions », ajoutant que « le trafic civil et commercial régulier ne devrait pas être entravé et aucune mesure ne devrait être prise qui pourrait constituer un changement au statu quo de la zone tampon ».

Pour plusieurs experts, l’agitation que connaît la région de Guergarat n’est pas une menace réelle mais un indicateur de la volonté des parties prenantes de sortir de l’immobilisme qui frappe ce dossier.

Depuis sa nomination en janvier 2016, Antonio Guteres s’y déploie avec force appelant à la relance des négociations. Il est entouré par un nouvel émissaire, l’Allemand Horst Kohler, qui a effectué sa première tournée dans la région en octobre, et d’un nouveau chef de la Minurso, le Canadien Colin Stewart, qui a remplacé sa compatriote Kim Bolduc.

En avril prochain, on en saura un peu plus sur la stratégie de cette nouvelle équipe pour résoudre un conflit qui dure depuis 41 ans.

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