Irak : les jihadistes s’approchent de Bagdad, Washington envisage des frappes

Les rebelles jihadistes sunnites ont pris mercredi une nouvelle ville en Irak et avançaient vers la capitale Bagdad dans une offensive fulgurante, obligeant le Conseil de sécurité à se réunir jeudi et Washington à envisager des frappes aériennes.

Des familles irakiennes fuyant les violences arrivent le 11 juin 2014 à Aski Kalak. © AFP

Des familles irakiennes fuyant les violences arrivent le 11 juin 2014 à Aski Kalak. © AFP

Publié le 12 juin 2014 Lecture : 4 minutes.

Cette avancée des combattants de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), face à des forces gouvernementales en déroute et un pouvoir chiite impuissant, a poussé environ un demi-million d’habitants à fuir.

Le porte-parole de l’EIIL, Abou Mohammed al-Adnani, a exhorté les insurgés à "marcher sur Bagdad" et a critiqué le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki pour son "incompétence", dans un enregistrement sonore daté de mercredi et traduit par le réseau américain de surveillance des sites islamistes SITE.

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Depuis mardi, ces combattants islamistes –exclus du réseau Al-Qaïda car jugés comme trop radicaux– se sont emparés, dans le nord du pays, de la deuxième ville d’Irak, Mossoul, de sa province, Ninive, et de secteurs dans deux provinces proches, Kirkouk et Salaheddine, majoritairement sunnites. Mercredi ils ont pris Tikrit, à 160 km au nord de Bagdad, et avançaient vers la capitale. Ils ont en outre tenté, en vain, de prendre Samarra, à une centaine de km de Bagdad, selon des témoins.

L’EIIL a en outre pris en otages 49 Turcs au consulat de Turquie à Mossoul, parmi lesquels le consul et des membres des forces spéciales, de même que 31 chauffeurs de poids-lourds turcs dans cette province.

Réunion du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité des Nations unies se réunira à huis-clos à partir de 11H30 (15H30 GMT) pour discuter de la situation en Irak. L’envoyé spécial de l’ONU en Irak, Nickolay Mladenov, y interviendra par vidéo-conférence.

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Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a lancé un appel à la solidarité internationale avec l’Irak. Il a également réclamé la libération immédiate et sans conditions de la cinquantaine de citoyens turcs pris en otage au consulat de Mossoul. Le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a menacé l’EIIL des "représailles les plus sévères" s’il leur est fait le moindre mal.

L’Iran chiite mais aussi les Etats-Unis ont apporté leur soutien au gouvernement de Nouri al-Maliki face au "terrorisme". "Les Etats-Unis soutiendront les dirigeants irakiens alors qu’ils forgent l’unité nationale nécessaire pour remporter le combat contre l’EIIL", a affirmé le porte-parole de la Maison Blanche Jay Carney dans un communiqué.

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L’Irak a de son côté officieusement indiqué aux Etats-Unis qu’il était ouvert à l’idée de frappes aériennes américaines afin d’enrayer l’offensive jihadiste, a affirmé mercredi à l’AFP un responsable américain, confirmant une information du Wall Street Journal.

L’administration du président Obama envisage plusieurs options pour aider Bagdad, éventuellement par le biais de frappes effectuées par des drones, selon ce responsable qui s’exprimait sous couvert de l’anonymat.

Pas de soldats américains renvoyés en Irak

La diplomatie américaine s’est défendue d’avoir été prise par surprise, affirmant avoir exprimé depuis des mois ses "inquiétudes" à propos de la "menace terroriste" que pose l’EIIL pour toute la région.

En conséquence, Washington "se tient prêt" à venir en aide à Bagdad face à "l’agression" de l’EIIL, a déclaré la porte-parole du département d’Etat Jennifer Psaki, annonçant "une augmentation de l’assistance" américaine.

Mais en aucun cas les Etats-Unis "n’envisagent" de renvoyer des troupes au sol en Irak, selon Mme Psaki, après le départ le 31 décembre 2011 du dernier soldat américain, au terme d’un très lourd engagement militaire des Etats-Unis pendant huit ans.

En 2011, Bagdad et Washington n’étaient pas parvenus à s’entendre sur le maintien d’un contingent américain en Irak et beaucoup s’étaient alors alarmés d’une nouvelle poussée des violences une fois les Américains partis.

Washington a par la suite englouti des dizaines de milliards de dollars pour former et équiper les forces armées irakiennes, celles-là mêmes qui ont visiblement fui devant les jihadistes.

L’EIIL "n’arrêtera pas la série d’invasions bénies"

L’EIIL, qui ambitionne d’installer un Etat islamique, a prévenu qu’il "n’arrêtera pas la série d’invasions bénies". Le groupe contrôlait déjà des secteurs de la province occidentale d’Al-Anbar à la frontière syrienne. Accusé d’abus en Syrie, il y tient de larges secteurs de la province pétrolière de Deir Ezzor (nord-est), faisant craindre une unité territoriale avec le nord-ouest irakien. Symboliquement, le groupe a diffusé mercredi sur internet des photos de jihadistes créant une route entre la Syrie et l’Irak en aplanissant au bulldozer un mur de sable.

Impuissant et miné par des clivages confessionnels, le gouvernement irakien a appelé le Parlement, qui se réunit jeudi, à décréter "l’état d’urgence". Mais face à l’avancée dans le Nord des combattants jihadistes aguerris, soldats et policiers ont montré peu de résistance, le gouverneur de Ninive, Athil al-Noujaïfi, accusant les commandants militaires d’avoir abandonné le champ de bataille.

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), "plus de 500.000 personnes ont été déplacées à l’intérieur et autour de Mossoul", qui compte habituellement deux millions d’habitants.

A 50 km de Mossoul, des files interminables d’hommes, femmes et enfants attendaient à un barrage kurde pour obtenir un permis de séjour pour passer au Kurdistan autonome. Arrivée avec sa famille, Zahra Chérif, 39 ans, explique avoir "quitté la ville par peur des massacres si l’armée lance un assaut sur la ville" pour la reprendre à l’EIIL. Dans Mossoul, les combattants, vêtus d’uniformes militaires ou de tenues noires, le visage découvert, étaient positionnés près des banques, des administrations publiques et au siège du Conseil provincial, selon des témoins.

Selon des experts, l’EIIL est constitué en grande partie en Irak d’ex-cadres et membres des services de sécurité de Saddam Hussein ayant rejoint la rébellion après l’invasion américaine de 2003.

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