Afrique du Sud : Cyril Ramaphosa doit faire du neuf avec du vieux
En 2008, une guérilla agressive entre le président du Congrès national africain (ANC) fraîchement élu, Jacob Zuma, et le chef de l’État, Thabo Mbeki, avait débouché sur la démission du second avant la fin de son mandat. Cyril Ramaphosa rejouera-t‑il pareil scénario, poussant prématurément Zuma vers la sortie ?
En Afrique du Sud, le président de la République est élu par les députés. Ceux-ci peuvent donc lui retirer leur soutien en cours de route. Cela supposerait que Ramaphosa entreprenne un travail de pression auprès du groupe parlementaire de l’ANC, relançant ainsi les risques de dissension interne, voire de scission d’un parti qui en a déjà beaucoup connu depuis 1959.
Entre Zuma et Ramaphosa, les relations sont distantes, mais sans hostilité. Le premier a fait revenir le second en politique. Élu vice-président, ce dernier n’a jamais heurté Zuma de front. Hormis en matière de lutte contre la corruption, il émet rarement une tonalité très différente.
La cohésion de l’ANC
Certes, Zuma aurait préféré voir son ex-épouse Nkosazana Dlamini-Zuma accéder à la tête du parti. Mais il a su placer des proches à des postes clés : Ace Magashule, le secrétaire général, et Jessie Duarte, son adjointe, sont des fidèles historiques, tandis que David Mabuza, le nouveau vice-président, est plutôt un allié de circonstance.
L’élection des 80 membres du Comité exécutif national (NEC), par ordre de préférence, montre que Zuma compte des soutiens solides parmi les élus qui ont récolté les meilleurs scores, tels Zweli Mkhize (premier sur la liste), Lindiwe Zulu (deuxième), Malusi Gigaba (cinquième) ou Zizi Kodwa (huitième).
Le ton modeste que Ramaphosa a adopté à l’issue de son élection indique qu’il va plutôt s’attacher à renforcer la cohésion de l’ANC et à mettre la formation en état de marche pour les scrutins de l’an prochain.
Nombreuses accusations contre Jacob Zuma
S’il est une chose qui peut pousser Zuma à quitter ses fonctions avant terme, c’est la justice. Le président fait face à un nombre phénoménal d’accusations remettant son honnêteté en question. Il peut rester aux commandes du pays pendant encore un an et demi (le prochain scrutin aura lieu au plus tôt en avril 2019, mais le chef de l’État peut le repousser jusqu’en juillet), et il saura sans nul doute faire le dos rond jusqu’à la fin de son mandat.
Dans sa reconquête des électeurs perdus, Ramaphosa tâchera d’incarner le renouveau tout en restant aux affaires. Son sens de la communication ne suffira pas, à lui seul, à enrayer la baisse de popularité du parti dans l’opinion publique. Il devra donc sortir de son chapeau quelques annonces fortes. Heureusement pour lui, les jeunes leaders noirs de la droite modérée ne percent pas encore dans l’électorat rural. Il paraît difficile d’imaginer que l’Alliance démocratique (DA), qui pesait 27 % des voix lors des municipales de 2016, prenne la majorité en un si court laps de temps.
Black Diamonds et « tenderpreneurs »
C’est sur les jeunes et les petits entrepreneurs que Ramaphosa va concentrer ses efforts. Son parcours d’ancien syndicaliste ayant lancé son fonds d’investissement constitue un bel exemple pour tous les Black Diamonds, ces jeunes urbains qui ont su profiter de la nouvelle donne.
Mais pourra-t‑il contrôler les « tenderpreneurs », ces chefs d’entreprise qui misent sur leurs copains dans l’Administration pour remporter des marchés publics ?
Ayant grandi à Soweto, Ramaphosa connaît bien les codes de la classe moyenne citadine noire, évaluée à 6 millions de personnes. Dans les zones rurales, où gronde le ressentiment, son poids est moindre. Il peut en revanche espérer ratisser large dans les classes moyennes blanche, métisse et indienne, soucieuses de stabilité et de protection de leur niveau de vie.
Ankylosée dans une fin de règne, l’Afrique du Sud est contrainte d’attendre mi-2019 pour savoir si Ramaphosa saura lui redonner de l’élan.
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