Football – L’Ivoirien Franck Dja Djédjé raconte sa vie de footballeur à Kyzylorda, au Kazakhstan

L’ancien international olympique ivoirien Franck Dja Djédjé, 31 ans, évolue depuis un an au Kazakhstan, après avoir également joué en France, en Écosse, en Norvège, au Qatar, en Ukraine et au Bélarus. L’attaquant de Kaysar Kyzylorda raconte cette expérience humaine et sportive forcément atypique.

Franck Dja Djédjé lors du match Taraz – Kaisar, au Kazakhstan en octobre 2017. © DR / Kaysar FC

Franck Dja Djédjé lors du match Taraz – Kaisar, au Kazakhstan en octobre 2017. © DR / Kaysar FC

Alexis Billebault

Publié le 9 janvier 2018 Lecture : 4 minutes.

Jeune Afrique : Dans une interview accordée à So Foot en janvier 2016, alors que vous étiez au Qatar, vous aviez déclaré ne plus vouloir aller dans un pays de l’Est de l’Europe, après des expériences en Ukraine (Tchernomorets Odessa) et au Bélarus (Dynamo Minsk). Un an plus tard, on vous retrouvait au Kazakhstan, à Irtych Pavlodar… Pourquoi ce choix ?

Après une saison au Qatar, j’avais reçu des propositions pour aller en Malaisie, en Thaïlande, et au Kazakhstan. Pour la douceur de vivre, il est certain que la Malaisie ou la Thaïlande, cela parait plus intéressant.

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Mais sportivement, je trouvais le Kazakhstan plus intéressant, avec la possibilité de jouer une compétition européenne [après avoir été affilié à la Confédération asiatique, le Kazakhstan a rejoint l’UEFA en 2002, NDLR]. J’ai donc passé six mois à Pavlodar. Et je suis désormais sous contrat jusqu’à fin 2018 avec Kaysar Kyzylorda.

Le championnat kazakh est encore méconnu. Peu de joueurs africains ou d’origine africaine y évoluent…

C’est exact. On doit être une dizaine au total. Dans mon équipe, il y a un Sierra-léonais, John Kamara, et un Franco-Camerounais, Abdel Lamanje. Le Kazakhstan n’est pas encore une destination très prisée par les étrangers, et notamment les Africains, mais on commence à être un peu plus nombreux.

Le football progresse dans ce pays. Naturellement, on a tendance à se retrouver entre francophones. Moi, je parle russe, pour avoir évolué en Ukraine et au Bélarus. Cela facilite le contact avec les joueurs kazakhs et la population.

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À Kyzylorda, les seuls noirs sont des joueurs

Quels souvenirs conservez-vous de vos premiers pas à Pavlodar ?

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Il y a très peu de “blacks” au Kazakhstan. Les gens ne sont donc pas habitués. Au début, j’ai ressenti de la curiosité, de la méfiance. Mais jamais d’agressivité. Dans la rue, on voulait me prendre en photo. Me toucher. Les gens ne savaient pas trop qui j’étais, pourquoi j’étais là.

Grâce à la télé, qui retransmet les matches, ils savent que nous sommes footballeurs. À Kyzylorda, les seuls noirs sont des joueurs. Ou presque : j’ai rencontré un Nigérian venu donner des cours d’anglais. Les gens savent donc qui nous sommes assez rapidement.

Cette curiosité peut-elle se manifester de manière surprenante ?

Quand j’explique que je suis né à Abidjan, ils me demandent s’il y a des voitures. Si on vit dans des maisons normales. Souvent sur le ton de l’humour, pour charrier. Alors, je montre des photos de la ville sur mon appareil photo, et ils sont surpris en voyant des gratte-ciel moderne !

C’est étonnant. Ce n’est pas du racisme, juste de la méconnaissance. Ils ne connaissent pas bien l’Afrique.

Cela fait presque un an que je suis là, et je n’ai jamais ressenti d’agressivité

Et comment se comportent les joueurs kazakhs de votre équipe ?

Parfois, ils s’énervent justement sur les questions un peu bizarres des gens. Ils les envoient promener. Les joueurs ont voyagé en Europe pour certains d’entre eux, ils sont mieux informés.

Avez-vous été la cible d’insultes ou de comportements racistes depuis que vous jouez au Kazakhstan ?

Jamais ! Après, c’est comme partout, le racisme existe. Mais cela fait presque un an que je suis là, et je n’ai jamais ressenti d’agressivité. Par contre, dans certains pays, on peut être confronté à des attitudes parfois ambiguës. Ce sont des cas isolés, cela ne reflète pas la mentalité d’un pays.

Sportivement, comment jugez-vous le championnat kazakh ?

Le FC Astana, depuis quelques années, obtient des résultats intéressants au niveau européen. Il y a quelques bonnes équipes, avec des moyens réels. Pour les autres, c’est parfois plus difficile, mais globalement, le niveau est correct. On sent que ça progresse. C’est un championnat qui s’ouvre.

Il y a quelques Africains, des Français, des Sud-Américains.  Les salaires sont corrects. Le niveau de vie est largement inférieur à celui de la France. J’ai un grand appartement pour un loyer modeste.

Comment se passe votre vie quotidienne à Kyzylorda ?

En comparaison avec Pavlodar, plus russophone, c’est une ville plus petite (200 000 habitants), beaucoup plus tranquille. Il n’y a pas beaucoup d’activités. On se fait des restaurants de temps en temps, parfois avec les joueurs locaux, où on va manger chez un des francophones de l’effectif. On peut aussi aller à la piscine ou en salle de sport.

Mais c’est foot et maison, pour parler à la famille, regarder la télé ou écouter de la musique. Ce qui me manque, depuis que je suis au Kazakhstan, c’est ma famille. Ma femme et mes deux enfants vivent à Nice. Quand ils étaient plus petits, ils étaient avec moi. Et c’est aussi de ne pas trouver la vraie baguette française ! L’avantage, c’est qu’au Kazakhstan, on a des périodes sans match, et j’arrive à revenir presque toutes les deux semaines en France.

Les clubs de l’Est ont la réputation de ne pas payer les salaires régulièrement…

Cela peut arriver, en effet. Cela dépend des résultats : s’ils sont bons, l’argent tombe dans les temps. S’ils ne sont pas bons, il faut parfois attendre quelques semaines… Mais il n’y a pas qu’en Europe de l’Est que cela se produit…

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