L’œil de Glez : Djouhri-Sarkozy, western-spaghetti à la sauce Kaddafi
Alexandre Djouhri, intermédiaire présumé entre la France sarkozienne et la Libye de Kadhafi, a été arrêté ce dimanche à Londres. Rebondissement de moyenne envergure dans une affaire qui ressemble à un western de Sergio Leone : « le court, la brute et le truand » ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 9 janvier 2018 Lecture : 2 minutes.
Les acteurs sont politiquement périmés, mais quelles figures, tout de même, pour un thriller panafricain qui ressemble à un bon vieux western spaghetti ! À droite, feu le colonel libyen Mouammar Kaddafi, personnage rocambolesque décédé dans une mare de sang vidéocaptée, légende qui navigue entre celle d’un satrape sanguinaire, d’un héros panafricain mâtiné de méthode Coué, du psychopathe vicieux du livre d’Annick Cojean et d’un gestionnaire, à la cubaine, du moindre mal. À gauche, l’ancien président français Nicolas Sarkozy, « éructeur » du Kärcher et du discours de Dakar, protagoniste si clivant de la marge françafricaine que des militants africains tentèrent de le faire inculper par la Cour pénale internationale. Entre les deux stars politiques : le Français d’origine algérienne Alexandre Djouhri, go-between sulfureux de la trempe d’un Ziad Takieddine ou d’un Robert Bourgi…
Le décor : l’aridité d’une Libye déliquescente et le bling-bling des ors de la République française. L’arrière-plan dramaturgique : une affaire politico-financière internationale aux parfums d’argent sale et de mort violente, hypothèse médiatisée – médiapartisée – d’un financement occulte de 50 millions d’euros d’une campagne présidentielle française qui en avait officiellement coûté 20. En échange de la manœuvre présumée : notamment l’ubuesque réception, au musée du Louvre, d’un guide de la Jamahiriya arabe libyenne finalement « désoudé », après une intervention militaire aussi improvisée qu’inachevée.
Endurance des procédures judiciaires
Kadhafi décédé, Sarkozy à nouveau retraité, on aurait pu imaginer que l’affaire qui les cernait allait tomber dans les oubliettes médiatiques. C’était sans compter avec l’opiniâtreté de quelques journalistes et l’endurance des procédures judiciaires. Après une authentification, en novembre 2015, du document qui fait mention du don de 50 millions d’euros et une ordonnance de non-lieu, en mai 2016, au bénéfice de Médiapart, en réponse à la plainte de Nicolas Sarkozy pour faux et usage de faux, c’est une interpellation qui remet aujourd’hui ce feuilleton franco-libyen en lumière.
C’est en effet à Londres qu’Alexandre Djouhri a été arrêté ce dimanche. Dans l’écheveau de ce dossier fait de trompe-l’œil avisés, les juges d’instruction s’intéressent à l’énigmatique intermédiaire pour la vente de sa villa de Mougins, dans les Alpes-Maritimes. Cédée pour cinq fois sa valeur théorique à un fond souverain du colonel Kadhafi, la bâtisse pourrait n’avoir été que le paravent d’un transfert de fonds illicite. En l’état actuel des procédures, aucun financement libyen à Nicolas Sarkozy n’est pourtant formellement prouvé. Quant à cette interpellation londonienne, elle n’a, sur le plan dramaturgique, que l’intérêt de la surprise, le trouble Djouhri ayant encore traité avec égard, en Algérie, en décembre dernier, lors des mondanités offertes au président Macron. Avant le dénouement du feuilleton, il faudra encore zapper sur d’autres séries politiques…
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