Le Togo « exportateur de pétrole » : quand une bourde de la Banque de France rallume les rumeurs
Le rapport annuel 2016 de la Zone franc publié par la Banque de France fin 2017 a attribué par erreur au Togo une exportation de plus de 15 millions de barils de pétrole en un an. De quoi relancer les spéculations sur une supposée exploitation clandestine de pétrole dans le pays.
L’affaire a fait les choux gras de la presse togolaise en ce début d’année. Publié en octobre 2017, le rapport annuel 2016 de la Zone franc réalisé par la Banque de France (1) a, à la page 231 consacrée au Togo, fait état de la production par le pays d’or et de pétrole.
Un tableau intitulé « Principales productions extractives » montre une évolution à la hausse de la production. Pour le pétrole, celle-ci passe de 9,1 millions de barils en 2013 à 15,4 millions en 2016. Pour l’or, le pays est crédité d’une production de 15 500 tonnes en 2013, et de 25 100 tonnes en 2016. Le tableau précise que les chiffres sont « provisoires » et présente ces chiffres comme provenant des données de la BCEAO.
La polémique est lancée
La publication du document date du 5 octobre 2017, mais la polémique n’a démarré qu’en début d’année, lorsqu’un économiste généralement très critique vis-à-vis des choix économiques du gouvernement togolais a publié un communiqué, rappelant les chiffres de la Banque de France.
« En terme de montant, en pondérant les quantités produites avec les prix moyens annuels du baril, le Togo a enregistré 2 791 002 946 dollars soit 1 535 051 620 300 FCFA. Un jour, nous saurons si ces ressources atterrissent au Trésor national », a indiqué Thomas Dodji Nettey Koumou, dans un texte paru le 2 janvier, qui a fait le tour des réseaux sociaux togolais.
Quelques jours plus tard, le 9 janvier, le directeur national de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a, en conférence de presse, démenti formellement l’information contenue dans le rapport de la Banque de France au sujet du Togo.
« Les données attribuées au Togo, relatives à la production de pétrole, sont plutôt les statistiques sur la Côte d’ivoire. Il en est de même des chiffres sur les principales productions agricoles vivrières et d’exportation, qui sont également ceux portant sur la Côte d’ivoire », a expliqué Kossi Tenou.
Le 10 janvier, la Banque de France s’est également fendu d’un erratum et a apporté les corrections dans son rapport (le tableau en question est d’ailleurs désormais visible dans la page concernant la Côte d’Ivoire).
Une erreur dans un rapport officiel avait attribué au Togo des données qui concernent la Côte d’Ivoire. L’erreur est rectifiée : voir Rapport 2016 de la Zone franc, p. 231 : https://t.co/2hpvaLzzVP
— Banque de France (@banquedefrance) January 10, 2018
Mais le rectificatif n’a pas empêché les supputations sur l’existence d’un pétrole produit par le Togo de continuer. Des présomptions qui s’appuient notamment sur le fait qu’à la fin des années 1990, le gouvernement togolais avait accordé à l’entreprise italienne ENI un permis de recherche sur la période 2010-2013. Recherches qui se sont avérées infructueuses, selon les autorités.
Les souvenir des années 1990
« ENI a exécuté deux forages exploratoires en haute mer (Kara1, Oti1). Aucune découverte n’a été réalisée et le contrat d’exploration est arrivé à échéance », a expliqué le 10 janvier Marc Ably-Bidamon, ministre togolais des Mines.
« Beaucoup de travaux d’exploration ont été menés en offshore depuis 1960 jusqu’à ce jour. Ces forages ont permis de mettre en évidence des indices. Mais aucun gisement de pétrole techniquement exploitable et économiquement viable n’a encore fait objet de découverte », assure le ministre.
Des explications et démentis qui viennent clore ce rocambolesque malentendu qui aura tout de même tenu les Togolais en haleine pendant plusieurs jours.
1. Le Rapport annuel de la Zone franc est un document rédigé par la Banque de France en collaboration avec les banques centrales de la zone (BCEAO, la BEAC et la BCC). Il décrit les principales évolutions économiques, monétaires et financières des pays membres dans une perspective à la fois régionale et nationale.
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