Centrafrique : qui est derrière l’attaque de la cathédrale de Bambari ?

Qui est à l’origine de la sanglante attaque de la cathédrale Saint-Joseph de Bambari, qui a fait au moins 17 morts lundi ? Membres de l’ex-Séléka ou musulmans armés ? Les versions divergent.

Un combattant Séléka près de Bambari, le 10 mai. © AFP

Un combattant Séléka près de Bambari, le 10 mai. © AFP

VINCENT-DUHEM_2024

Publié le 9 juillet 2014 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour à 10h04.

Le bilan, provisoire, est déjà lourd : l’attaque de la cathédrale Saint-Joseph de Bambari, lundi 7 juillet au soir, a fait au moins 17 morts, selon Monseigneur Edouard Matos. Certains humanitaires cités par RFI parlent de même 22 victimes. Et les circonstances de ce carnage restent encore floues.

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Dimanche, deux groupes d’anti-balaka attaquent un quartier musulman de la ville. Deux jeunes sont tués. Le lendemain, des hommes armés, entre 30 et 50, s’en prennent aux anti-balaka. La force Sangaris s’interpose alors que les deux belligérants s’affrontent.

Vers 15 heures (locales), les combattants musulmans encerclent la cathédrale Saint-Joseph qu’ils soupçonnent d’abriter des anti-balaka. Sangaris utilise un hélicoptère pour les dissuader. L’évêché est tout de même attaqué.

Présent sur les lieux, Monseigneur Edouard Matos raconte : "Ils ont envahi l’évêché et commencé à tirer. Quand ils sont arrivés dans l’enceinte de la cathédrale, ces hommes ont tout cassé, pillé. Ils ont même brisé les portes de ma résidence."

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Qui a attaqué la cathédrale ?

Selon une source de la Misca (la force africaine) citée par l’AFP, il s’agissait d’"hommes armés portant des boubous et des uniformes militaires identifiés comme étant des ex-Séléka". Joints par Jeune Afrique, l’entourage du ministère français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, et une source sécuritaire française, ont également accusé des éléments de l’ancienne rébellion.

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D’autant qu’un membre de l’état-major des ex-Séléka justifie l’attaque. "Des miliciens anti-balaka sont présents sur ce site de déplacés, comme ils le sont sur d’autres sites. C’est pour cela que nous avons lancé une attaque", a-t-il indiqué à l’AFP.

>> Lire aussi : Au moins 20 personnes tuées à la cathédrale de Bambari

"Il y a toujours des provocations et des attaques des anti-balaka depuis leur attaque contre des peuls qui a fait 17 morts (23 juin). Nous ne faisons que défendre les populations", a confirmé Ahmad Nejad, porte-parole de l’état-major.

Pourtant, Monseigneur Edouard Matos affirme que ce sont des jeunes musulmans non apparentés aux anciens rebelles qui ont mené l’attaque. Il soutient même que lundi, vers 16h 30 (locales), des membres de la Séléka ont porté secours aux civils de l’évêché, chassant les assaillants. "Depuis, une vingtaine d’entre eux sont restés et nous protègent", explique le religieux.

Une version confirmée par un autre porte-parole de la Séléka, le colonel Djuma Narkoyo. Ce dernier affirme que l’ex-rébellion est intervenue avec Sangaris et la Misca pour mettre fin à l’attaque.

Pourquoi de telles divergences ?

S’il est si délicat d’obtenir une version coordonnée de la Séléka, c’est que les anciens rebelles sont particulièrement divisés, selon les origines géographiques et ethniques de ses éléments. À Bambari, par exemple, se côtoient le nouvel état-major mis en place à Ndélé en avril et le commandant de la région, Ali Darass. Mais ce dernier et le chef d’état-major, Joseph Zindeko, sont issus de deux branches différentes. Leurs intérêts et leurs positions ne sont pas les mêmes.

Pour compliquer le tout, les deux porte-paroles qui s’expriment au nom de la Séléka sont affiliés à ces deux branches. Ahmad Nejad est proche d’Ali Darass, alors que Djuma Narkoyo l’est de Joseph Zundeko…

>> Pour aller plus loin : Nouvel organigramme de la Séléka, l’aile dure aux commandes

Le Drian : "Il n’y a pas d’avenir pour la Centrafrique s’il n’y a pas de cessez-le-feu"

Arrivé lundi en fin d’après-midi à Bangui, Jean-Yves Le Drian a dû annuler sa visite mardi à Bambari (centre), où sont déployées des forces Sangaris et de la Misca, en raison des violences qui s’y déroulent depuis plusieurs jours. Lundi soir, il s’est longuement entretenu avec la présidente centrafricaine, Catherine Samba-Panza. Puis, dans un entretien diffusé mardi par la radio nationale centrafricaine, il a estimé qu’il n’y avait "pas d’avenir pour la Centrafrique s’il n’y a pas de cessez-le-feu".

"À Bangui, la présence de Sangaris (force française), de la Misca (force africaine) et de l’Eufor (force européenne), a permis à la sécurité de devenir presque bien. Presque bien. Je le vois bien au fur et à mesure de mes déplacements". Mais en province, a-t-il ajouté, "dans l’Est, la situation reste tendue", et il faut éviter qu’il "y ait des affrontements entre des groupes qui ne recherchent que la haine et la vengeance. (…) Donc, il faut que ces groupes-là acceptent un processus de paix, qu’ils acceptent d’abord le cessez-le-feu qui est indispensable à une évolution sereine de ce pays", a-t-il affirmé. (Avec AFP)

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Par Vincent DUHEM

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